La médiatisation agencée
de la torture en Irak
Le témoignage des principaux accusés
au sujet des sévices d’Abou Ghraib n’a eu que pour effet de
stigmatiser pour de mauvaises raisons les faucons de la politique américaine,
laissant ainsi les vrais responsables dans l’ombre. Nous verrons qu’en
ce qui concerne la manipulation d’information à des visées économiques,
quelques sociétés privées n’ont peut-être plus rien à envier aux états
les plus puissants. Désormais exhibée, la torture est un catalyseur
d’insécurité qui aide au développement d’un marché avec la
complicité gracieuse des médias.
Le contexte
A la veille du mercredi 28 avril 2004, date à laquelle la chaîne
CBS montrait des photos de soldats américains posant devant des
prisonniers soumis ou exerçants des tortures à leur encontre, les
autorités américaines cherchaient à sortir en urgence du bourbier
irakien. Les attentats se succédaient, le nombre de morts dans un camp
comme dans l’autre ne cessait de croître malgré qu’une année se
soit passée depuis la fin officielle de la guerre (1er mai
2003), et le plan Brahimi qui prévoyait la
mise en place d’un gouvernement transitoire était examiné par le
conseil de sécurité de l’ONU. L’étalage médiatique des mauvais
traitements infligés aux détenus d’Abou Ghraib a certainement contribué
à anticiper le transfert du pouvoir de la coalition au gouvernement
irakien provisoire.
Richard Myers
En fait, le reportage de
CBS était prêt depuis le début du mois
d’avril. Mais le général
Richard Myers, chef de l’état major
interarmes, est intervenu en personne auprès du producteur Dan Rather
pour lui demander d’en différer la diffusion
1.
Cependant, le caractère particulièrement meurtrier du mois d’avril a
inévitablement emballé la machine médiatique. C’est à 128 que s’élève
le nombre de soldats américains tués ce mois-là, soit plus qu’au
cours des six semaines de combats de l’opération Iraqi Freedom. Il est
utile de rappeler que depuis la fin des grandes opérations militaires
proclamées par George W. Bush le 1
er mai 2003 et jusqu’à la
passation de pouvoir, plus de 2000 irakiens ont trouvé la mort pour 755
soldats de la coalition, et 3 otages ont été exécutés.
Le facteur déclenchant de cette révélation tardive aux yeux de la planète,
c’est la preuve par l’image. Le New Yorker s’apprêtait à publier
une série de photos et des extraits du rapport du général Antonio
Taguba
2,
quand l’émission « 60 Minutes II » leur escamota la primeur
avec la diffusion des premières images
3
des geôliers et des suppliciés de la prison d’Abou Ghraib.
Menace sur un prisonnier à Abou Ghraib
Des rapports évoquant les sévices infligés à des prisonniers étaient
pourtant depuis longtemps sur la place publique
4.
Malgré la chronologie évoquée ci-dessus, il demeure étonnant que les médias
se soient livrés à une concurrence soudaine à ce sujet.
Aux yeux des européens, un tel événement décrédibiliserait l’élément
principal d’une équipe gouvernementale, en l’occurrence le secrétaire
à la Défense Donald Rumsfeld, ou encore handicaperait lourdement une
campagne électorale. Mais il semblerait que l’on ne voie pas les choses
sous le même angle dans le nouveau monde. Le traumatisme du 11 septembre
est toujours présent dans l’esprit de l’opinion publique et dans les
médias américains. La culture de la peur
5 a été ravivée et justifie tous les comportements qui peuvent comporter
des résultats, quitte à bafouer toutes les conventions.
A titre d’exemple, le général Paul Aussaresses, qui a revendiqué
l'usage de la torture durant la guerre d'Algérie, a été complaisamment
interviewé par la chaîne CBS pour en expliquer le pourquoi.
On retiendra aussi les écrits datant de septembre 2002 du juge et
professeur de droit à l'université de Chicago,
Richard A. Posner : «
Si
la torture est le seul moyen d'obtenir les renseignements nécessaires
pour prévenir l'explosion d'une bombe nucléaire à Times Square, alors
elle doit être utilisée, et elle le sera ».
On s’effraiera à la lecture d’Alan Dershowitz, avocat et professeur
de droit à Harvard. Malgré sa position de défenseur des droits de
l'homme et le combat qu’il mène depuis plus de quatre décennies contre
la peine de mort, il milite pour une institutionnalisation de la torture
contrôlée par la justice, et écrit à ce sujet «
Je pense à une
torture non mortelle, comme une aiguille stérilisée sous les ongles.
Bien sûr, cela serait contraire à la convention de Genève, mais vous
savez, d'un bout à l'autre du monde, il existe des pays qui violent les
accords de Genève. Ils le font en secret, comme l'ont fait les Français
en Algérie. Si nous en arrivions un jour à cette extrémité, je pense
que nous devrions agir de façon responsable et ouvertement, et non
adopter la méthode des hypocrites6 ».
Sur notre continent, beaucoup se
sont contentés de dépeindre une vision
plus partisane au sujet de la situation de
George W. Bush, la
jugeant inconfortable suite aux révélations sur Abou Ghraib. Certains y voyaient
le basculement dans un engrenage à la vietnamienne, ou encore l'occasion
de remettre en cause la «
thèse essentialiste de la «nature féminine»,
maternelle et accueillante7 ».
D’autres sont allés un peu plus loin, dénonçant les «
tortures pour la bonne cause8 »ou
l’hypocrisie des autorités et des médias complices dans le silence devant ces pratiques.
Des images qui parlent
Il est surprenant de constater que
peu de personnes ont analysé ces
photos et écouté ceux qui y figurent. L’exemple des soldats anglais
accusés des mêmes méfaits suite à des photos parues dans le Daily
Mirror, et dont il a été démontré qu’il s’agissait d’une
mystification, pouvait pourtant laisser espérer plus de suspicion de la
part des commentateurs. Mais nous vivons dans une société où les médias
instruisent des procès au cours desquels les éditorialistes, qui
appartiennent au même monde professionnel, se chargent de prononcer la
sentence. La confiscation de cette procédure par un seul corps de métier
justifie une intervention extérieure et indépendante pour donner la
parole à la défense afin de rétablir la balance de l’objectivité.
Ces photos auraient pu être le témoignage d’un militaire qui, excédé
par les sévices infligés aux prisonniers, ou fatigué de voir ses
camarades revenir au pays dans des sacs en plastique, aurait tenté d’étayer
par l’image les seuls témoignages des rescapés de ces centre de détention.
Mais quand on regarde certaines d’entre elles, on voit nettement que les
bourreaux prennent la pause devant l’objectif. Il ne s’agit donc pas
de clichés volés. En conséquence, les tortionnaires, informés qu’une
prise de vue est en cours de réalisation, n’auraient aucune raison de
poursuivre leur sinistre besogne à visage découvert si ils n'avaient pas
la garantie que ces photos ne feraient pas le tour du monde. Ils savent qu’ils
ne vont pas montrer ces photos à leurs amis de retour au pays, et
qu’ils n’ont aucun intérêt à laisser des preuves d’une attitude
qui ne pourra qu’être préjudiciable à leur avenir.
D’autres prises de vue miment des actes homosexuels, comportements particulièrement
humiliants aux yeux de la loi islamique.
Être mis l'un sur l'autre, forcé à se masturber, nu l'un devant l'autre – tout cela est une forme de torture.
Bernard Haykel, professeur à l’Université de New York
9.
Janis Karpinski
Il n’est pas question de remettre en question ici la véracité des
sévices subis par les détenus. Néanmoins l'apparence détendue des
tortionnaires, leurs poses à visage découvert, et les connotations
sexuelles des clichés laissent penser que les bourreaux ont été les acteurs d’une mise en scène.
D’ailleurs la directrice de la prison d’Abou Ghraib, la générale
Janis Karpinski, qui a été suspendue de ses fonctions depuis cette
affaire, a quand à elle affirmé que la police militaire qu'elle
commandait servait de bouc émissaire
10.
Ce que prouve une simple réflexion sur la nature des images est confirmé
par le témoignage de leurs héroïnes. Tout d’abord Lynndie England,
photographiée cigarette à la bouche, souriante et pointant les parties génitales
d’un prisonnier nu,
ou en tenant un autre en laisse.
Ensuite
Sabrina Harman, responsable
d’avoir fixé des fils électriques aux mains d’un détenu cagoulé
qui se trouvait perché sur une boîte, et de l’avoir menacé d’électrocution
s’il en tombait.
Lynndie England
La réserviste de 21 ans,
Lynndie England,
déclara au mois de mai sur la
chaîne KCNC-TV de Denver (Colorado) «
J'ai reçu l'instruction
de personnes gradées de « me mettre debout là, tenir cette laisse,
regarder l'appareil photo », et ils ont pris des photos pour
les PsyOPs11».
«
Je ne voulais vraiment pas être sur quelque photo que ce soit »,
précisa-t-elle, car tout cela lui semblait «
plutôt bizarre ». Mais
ses supérieurs l’auraient encouragée en lui disant : «
vous
vous en sortez très bien, continuez. » Dans le même temps,
elle ne nie pas que des choses pires que ce que montrent ces images qui
ont fait le tour du monde se soient passées.
Giorgio Ra'Shadd
Selon
Giorgio Ra'Shadd,
l’avocat de
Lynndie England, sa cliente a été la victime d’une mise
en scène destinée à faire parler des détenus plus importants en leur
montrant les traitements que leur silence risquait de leur coûter. Cette
théorie est peu convaincante car les images de torture sont plutôt
regardées par les élèves tortionnaires pour aguerrir leurs pratiques
12,
que par les victimes pour les rendre prolixes. De plus, si ces photos
avaient été réalisées pour être utilisées par les services secrets,
il y aurait eu peu de chance pour qu’elles tombent aussi rapidement dans
le domaine public.
Le témoignage de
Sabrina Harman, 26 ans, est
encore plus intéressant
dans le sens où elle nous donne une nouvelle piste a explorer. Elle a
tout d’abord concédé que son travail consistait à rendre «
la
vie infernale » aux prisonniers «
pour qu’ils parlent ».
Mais elle a également affirmé que les ordres venaient «
des
officiers du renseignement militaire, des agents de la CIA et des
sous-traitants civils qui menaient les interrogatoires13 ».
Sabrina Harman au-dessus d'un cadavre irakien
La sous-traitance civile
Environ 90 sociétés militaires privées se partagent dans le monde
entier un chiffre d’affaire évalué à 100 milliards de dollars par an,
ce qui correspond à la somme des budgets de défense de la France, de la
Grande-Bretagne, et de l’Allemagne.
Ces groupes représentent le « deuxième contingent » en Irak.
Les troupes américaines regroupent 138 000 hommes, les soldats
anglais sont au nombre de 11 000, et 40 entreprises militaires privées
emploient entre 15 000 et 20 000 hommes. Ces derniers peuvent
indifféremment s’occuper de la logistique, de la protection des
personnels et des personnalités, ou de la sécurisation d’installations
pétrolières. Ils peuvent être plus engagés militairement à travers
l’entretien d’armes sur le terrain, la gestion des batteries de
missiles, l’identification des cibles par satellites jusqu’à la tenue
des interrogatoires des prisonniers. De plus ils portent des armes dans un
flou législatif savamment entretenu par ceux qui profitent d’une telle
présence.
Car les avantages du recours à des sociétés privées sont économiquement
stratégiques. Tout d’abord, l’utilisation de personnel sous contrat
pour des missions à durée déterminée est sensée coûter moins cher à
l’Etat que l’entretien d’un contingent jusqu’à la retraite. Bien
qu’il faille relativiser cet avantage car les contrats en question
garantissent aux sociétés engagées des marges bénéficiaires
correspondantes au pourcentage des frais engagés, ce qui les incitent
souvent à être dispendieuses.
Ivan Basso (Team CSC) à La Mongie
Mais derrière cette fausse bonne affaire, c’est tout le cartel de
l’industrie militaire qui retrouve une seconde jeunesse, et des intérêts
croisés entre la géostratégie politique et l’acquisition de nouveaux
marchés pour des sociétés privées qui se trouvent satisfaits. La formation de
la nouvelle armée irakienne a été confiée à
MPRI, filiale du
groupe L3 Communication, société fondée par d’anciens dirigeants de Lockheed
Martin, entreprise leader de l’industrie de défense aux Etats-Unis.
Tandis que
CSC-Dyncorp (
CSC a
finalisé l'acquisition de
Dyncorp le 7 mars 2003) a ainsi
obtenu le contrat de protection du nouveau président Afghan, Hamid
Karzai, ainsi que celui l’engageant à la remise en état de la
police et du système carcéral irakien. A l'heure ou j'écris ces
lignes, l'Italien Ivan Basso a remporté la douzième étape du Tour
de France cycliste 2004 à La Mongie. Le sponsor de ce coureur est
la société que nous venons de citer, d'où le nom de son équipe :
Team
CSC.
L’autre avantage réside dans le fait que l’on peut faire de l’armée
officielle une armée de communication, propre et sans bavure, tout en
refilant les salles besognes à la sous-traitance militaire privée. Bien
qu’à la fin du mois de juin 2004 on pouvait recenser 90 morts et 400
blessés ayant appartenu ou appartenant à ces groupes privés, ces pertes
humaines ne figuraient pas dans les bilans officiels des différents pays
engagés dans le conflit. De plus, avec tous les intervenants privés, il
est maintenant devenu impossible pour les élus de définir le contingent
exact qu’ils comptent envoyer sur le théâtre des opérations. Le coût
financier et humain d’une guerre est devenu un élément d’un bilan
comptable. Après que les milieux économiques et financiers aient
subtilisé le pouvoir politique aux représentants du peuple grâce à
l’action conjointe du lobbying et du chantage à l’emploi, c’est
aujourd’hui le pouvoir militaire privatisé qui s’accapare la géopolitique
pour servir ses intérêts
14.
Ce qui ne figure pas non plus dans les bilans officiels ce sont les désistements
que peuvent de permettre les employés d’une société privée devant
une situation qu’ils peuvent juger trop dangereuse, chose que ne
pourraient pas se permettre les éléments d’une armée régulière.
Ce qui figure encore moins dans les bilans officiels, c’est le fait que
certains des employés de
Blackwater, la société chargée de la
protection de l’administrateur américain en Irak,
Paul Bremer, était
des militaires chiliens à la solde d’
Augusto Pinochet.
On pourrait
aussi évoquer le cas des employés de DynCorp (aujourd’hui CSC-DynCorp)
qui avaient été mis en cause pour avoir monté un réseau de
prostitution en Bosnie en 2001, ou des terroristes islamistes formés par
des sociétés américaines qui pensaient qu’il s’agissait de
militaires pakistanais.
Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement,
c’est le fait que des employés de
Titan(filiale
de
Northrop Grumman) et de
Caci Systems soient impliqués dans le scandale
des sévices de la prison d’Abou Ghraib
15.
Il s’agirait de John Israel et Adel Nakhla en ce qui concerne la société
Titan, et de Steven Stefanowicz pour ce qui est de
Caci
International.
John Israel et Adel Nakhla sont des traducteurs civils assignés à la 205
ème
brigade de renseignement militaire. Ils sont considérés comme des témoins
des exactions. Steven Stefanowicz appartient à la même brigade de
renseignement. Par contre il avait la fonction d’interrogateur civil, et
il aurait ordonné les actes de torture.
Les alliances contre nature
En France les magnats de l’industrie et de la
communication tentent d'unir leurs forces de façon plus ou moins
heureuse
16.
Les lois françaises sensées garantir le pluralisme de l’information,
ou les pratiques concurrentielles, sont inadaptées pour parer aux dérapages
que pourrait engendrer ce nouveau type d’alliance. Et même si la liberté
d’information est sauvegardée, l’angle sous lequel on analyse
l’information en question peut conduire, comme nous venons de le voir,
à une opinion différente sur la situation.
Les accointances économiques croissantes des différents acteurs ne
doivent pas brider la liberté d’opinion ou influencer l’interprétation
des évènements. La quête du scoop, et derrière cela de l’audience et
des revenus publicitaires qui l’accompagnent, ne doivent pas exonérer
le professionnel de l’investigation de son but premier : la
recherche de la vérité
17.
Des règles sont donc nécessaires pour faire en sorte que le contenu éditorial
des médias n’engendre pas un chaos à des fins économiques. Une déontologie
superficielle conduira les reportages à progressivement devenir les
promoteurs involontaires d’une guerre privatisée.
Malgré cela, il se pourrait que les pourvoyeurs d’informations orientées
bénéficient de l’habituelle résignation institutionnelle face au déroulement
d’une histoire tiraillée par des intérêts contradictoires, puisque
les présidents de sociétés militaires privées se voient aujourd’hui
promus au grade de chevalier dans l’Ordre national du Mérite
18…
Aux Etats-Unis, le financement des campagnes des républicains bénéficie
d’une générosité de l’industrie militaire au moins deux fois plus
importantes que pour leurs adversaires démocrates
19.
Mais il s’agit là d’échange de bons procédés. C’est ainsi que le
général Larry Welch, ancien chef de l’US Air Force, se voit nommé
auditeur « indépendant » d’un programme gouvernemental par une de ses
vieilles connaissances, Donald Rumsfeld, alors qu’il se trouve être également
l’administrateur d’une société militaire privée profitant de ce
programme, Caci International.
Porter à la vue des musulmans du monde entier l’évidence de tortures,
et qui plus est, d’humiliations sexuelles, ne pourra qu’attiser un peu
plus les tensions communautaristes sur la planète. Les postures ordonnées
des tortionnaires ne font qu’amplifier un doute que la parution des
clichés falsifiés dans le Daily Mirror a fait naître. Même s’il
n’est pas question ici de nier l’existence de sévices à Abou Ghraib
ou ailleurs, on ne peut ignorer les soupçons de manipulation qui
entourent ces photos.
Ces séances de photos de tortures qui paraissent avoir été dirigées
font leur apparition dans les médias juste après que des rapports aient
préparé le terrain de l’entendement des responsables médiatiques
internationaux. Les journalistes n’avaient jusqu’à présent que le
poids des mots, ils ont maintenant le choc des photos. Ces dernières,
traitant d’un événement qui concerne la planète, avaient pour
vocation d’être diffusées dans le monde entier. Etant donné
qu’elles seraient ainsi vues de tous, le résultat de l’évaluation de
leur impact psychologique ne pouvait qu’être positif. Pour trouver les
éventuels commanditaires, il suffit donc de déterminer qui aurait pu
tirer profit d’un conditionnement d’une aussi importante envergure.
Informer l’opinion sur ce qui se passe dans les geôles irakienne
n’entame en rien les chances de réélection de George W. Bush, puisque,
comme nous l’avons vu plus haut, l’état d’esprit d’une partie de
l’opinion américaine ne correspond pas à celui du reste du monde.
D’un côté on est persuadé que la croisade de l’axe du bien contre
l’axe du mal est lancée depuis le 11 septembre 2001. De l’autre, on
est convaincu de la volonté d’une partie du monde d’imposer son mode
de vie aux autres, et ce en accédant accessoirement aux ressources
naturelles de leurs territoires. Les compensations qui ne profitent qu’à
une minorité, le plus souvent corrompue, créent obligatoirement un effet
de rejet radical. Le marché compte sur cette opposition en souhaitant
qu’elle persiste le plus longtemps possible puisque la guerre se trouve
aujourd’hui être une valeur cotée par l’intermédiaire de
l’industrie de l’armement ou des sociétés militaires privées, pour
ne citer que ceux-la. Dans le même temps, les différents gouvernements
s’attèlent à l’élaboration de lois sécuritaires qui sous un prétexte
de lutte anti-terroriste ont l’avantage de limiter le risque d’éventuels
soulèvements populaire par une restriction préalable des libertés.
Comme nous pouvons le constater, ceux qui ont tout à gagner (ou rien à
perdre) à créer (ou à laisser se développer) des foyers de tensions de
par le monde, pour accroître le nombre de conflits ou justifier la répression,
sont tellement nombreux qu’il est difficile de désigner un coupable en
particulier.
Aujourd’hui, les alliances contre nature des différentes forces économiques,
leur imbrication avec ce qu’il reste de pouvoir politique, remettent en
question la nature démocratique de nos régimes politiques.
Mais demain, les armées de mercenaires actuellement en activités
pourrait tourner le dos à des Etats déficitaires pour se retrouver au
service d’employeurs solvables, à savoir d’autres sociétés privées.
________________________
Sources :
La guerre privatisée , Les Echos, mardi 29 juin 2004.
Le
scandale de la torture souligne le poids des sociétés de sécurité , Le Monde, samedi 8 mai 2004.
Photo de Lynndie England sur fond de
drapeau américain : AP/Cumberland Times-News.
Photo de Janis Karpinski : CBS.
Photos des tortures : http://www.cbsnews.com
(Photo: AP / ABC News) et http://www.washingtonpost.com.
1 Images et bourreaux ,
Le Monde Diplomatique, n°603, juin 2004.
2 http://web.archive.org/web/20120827084621/
http://agonist.org/annex/taguba.htm
3 http://www.cbsnews.com/stories/2004/05/12/60II/main617121.shtml
4
Le
Rapport
du comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur le traitement,
par les forces de la coalition, des prisonniers de guerre et des
autres personnes protégées par les conventions de Genève pendant
leur arrestation, leur internement et leur interrogatoire en Irak,
a été effectué suite aux visites des lieux d'internement des forces
de la coalition entre mars et novembre 2003. Celui du général Taguba
a été réalisé entre octobre et décembre 2003.
5
Dépeinte avec talent par Michael Moore dans «
Bowling
for Columbine ».
6
Le point, jeudi 13 mai 2004 - N°1652 - Page 42 -
http://www.lepoint.fr/dossiers_monde/document.html?did=146678
7
Gisèle HALIMI, Tortionnaire, nom féminin -
http://www.liberation.fr/tribune/2004/06/18/tortionnaire-nom-feminin_483584
8 Ignacio Ramonet,
op. cit.
9 Torture at Abu Ghraib ,
The New Yorker Fact, lundi 10 mai 2004 -
http://www.newyorker.com/fact/content/?040510fa_fact
10
D'anciens détenus d'Abou Ghraib racontent les sévices -
http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/54656/d-anciens-detenus-d-abou-ghraib-racontent-les-sevices
11
Opérations psychologiques , dépêche
Associated Press du mercredi 12
mai 2004, 15h43.
12 Jacques Coubard, Le Pentagone à l'école des tortionnaires français ,
L'Humanité, 10 Septembre 2003 -
http://www.humanite.fr/node/360169
Washington Post, le 9 mai 2004.
14
MPRI, société militaire privée américaine, a vu ses actions bondir
de 80 % entre mars 2003 (date de l’intervention des Etats-Unis en
Irak) et juin 2004.
15 http://web.archive.org/web/20120827084621/
http://agonist.org/annex/taguba.htm
16
Le groupe Bouygues et sa filiale, la chaîne de télévision TF1, avaient
entamé les négociations pour faire leur entrée au conseil
d’administration
de Socpresse (éditeur du « Figaro », de « L’Express »,
et de quelque 70 journaux régionaux) possédé par Serge
Dassault qui contrôle 82% de l'empire de presse. Mais la propension
des premiers a faire main basse, à terme, sur la propriété du second,
a été un des éléments qui ont mis fin aux négociations le
vendredi 16 juillet 2004.
Le groupe Lagardère, numéro deux mondial de l'industrie aéronautique
et de défense (EADS, Airbus), est présent dans les médias avec des
radios (Europe-1, Europe-2 et RFM), des quotidiens (La Provence,
Nice-Matin, Var-Matin, Corse Presse,...), des magazines (Paris Match,
Elle, Première,...), des maisons d'édition (Fayard, Grasset, Stock,
Calmann-Lévy, Hachette Jeunesse, Livre de Poche,...), et possède des
participations audiovisuelles (34% de CanalSatellite, 27,4% de MultiThématiques),
entre autres choses...
17
D’après l’article Publicis, un pouvoir de Marie Bénilde
(
Le Monde Diplomatique, n°603, juin 2004), une journaliste du Figaro
s’intéressant de façon trop critique à des informations liées à
l’agence de publicité Publicis, un des principaux fournisseurs de
publicité du quotidien, a été remerciée.
18
Stéphane Gérardin, président du groupe
GEOS,
a été promu au grade de chevalier dans l’Ordre national du Mérite
par décret du Président de la République en date du 14 mai 2004.
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