Global Killer

 

Les prochaines échéances électorales vont axer le débat sur l’insécurité. La recrudescence de la délinquance, les évènements amplement médiatisés de la Corse et la réputation internationale que nous commençons à nous forger dans le domaine vont inciter les politiques à faire preuve de démagogie dans le domaine. Mais une fois de plus on risque d’occulter l’origine du problème en s’abritant derrière l’inéluctabilité de la globalisation d’un système qui fonctionne grâce à une mystification.


Les Faits

Habib Mezaoui, 27 ans, de nationalité française et né au Tchad, a fait irruption samedi matin vers 9 heures dans la Caisse d'Epargne du centre commercial des Trois Fontaines, à Cergy-Pontoise en banlieue parisienne, déguisé en femme. Il prend en otages une dizaine de clients et les membres du personnel de l'établissement sous la menace d’un calibre 9 mm et d’un 22 long rifle, il les accule dans le sous-sol et les ligote avec du ruban adhésif. Le braqueur blesse mortellement le directeur de l'agence bancaire, Patrick Prieur, 49 ans, et le conseiller financier, Gilles Dessertenne, 45 ans, puis blesse grièvement deux autres employés. Il quitte l'agence vers 13 h 45, entouré de deux otages. Arrivé à la hauteur du boulevard de l'Oise, une artère proche, il blesse grièvement le conducteur d’un véhicule à l’aide de son arme avant de s'emparer de la voiture. Deux passants sont blessés durant la fusillade qui éclate lorsque les forces de l'ordre dépêchées sur place interviennent. Le malfaiteur parvient tout de même à s’enfuir en direction de Neuville sur Oise, une commune proche. Il abandonne son véhicule, se sachant poursuivit par la police, et tente à deux reprises et sans succès de prendre possession d’un autre véhicule. La première tentative de soldera par la mort du conducteur et des blessures pour le passager. L’agresseur s’enfuit alors en direction de la base de loisirs de Cergy Neuville. Il fini par regagner son domicile situé dans la ville de Persan, à 30 Km de Cergy, en taxi.
Police !!!Anne Pauly, procureur adjoint de Pontoise, nous apprend comment les services officiels retrouvèrent la trace du hors-la-loi : " L'homme, blessé, et se disant victime d'un accident de la circulation, a sollicité samedi vers 23 h 45 l'aide d'un habitant d'une commune proche de Neuville, qui a effectué un rapprochement avec le malfaiteur recherché et en a avisé la police judiciaire. Ce témoignage, complété par celui d'un chauffeur de taxi ayant ultérieurement pris en charge le suspect a permis de retrouver dans la nuit la trace de l'individu à Persan. " C’est le lendemain vers 6 h 30 que la folle échappée s’est terminée grâce à l’intervention des policiers du Raid.


Le mobile

Le soir de l'arrestation, on apprend que l'auteur du vol à main armée est un ex-employé de l'agence qu'il a braquée, et dans laquelle il a travaillé comme vacataire pendant 4 mois. La première victime, le directeur, lui aurait permit d'assouvir sa soif de vengeance face au licenciement injustifié dont il aurait été l'objet en septembre 1999. Le directeur de l'agence avait porté plainte contre Habib Mezaoui après l'avoir licencié. Il l'accusait d'avoir commis des escroqueries « par abus de faiblesse » au détriment de personnes âgées, clientes de la Caisse d'épargne, à qui il aurait soutiré des fonds. Toujours est-il que cette plainte confiée à la section économique et financière de la police judiciaire de Versailles a été classée sans suite faute de preuves.
Selon le procureur adjoint du parquet de Pontoise, Gilles Bottine, les motivations du preneur d'otages relèveraient « autant d'un acte de crapulerie que de l'expression d'un ressentiment ». Un enquêteur déclare au sujet d'Habib Mezaoui qu' « il s'agit visiblement d'un garçon intelligent, réfléchi, qui prépare déjà son système de défense »1.
Le juge d'instruction de Pontoise Gilles Fournier a mis en examen Habib Mezaoui pour « vol avec violences ayant entraîné la mort », « séquestration de personnes comme otages pour faciliter la commission d'un crime et sa fuite » et « vols avec armes ». Habib Mezaoui encourt la réclusion criminelle à perpétuité. En revanche, la qualification d' « assassinat » n'a pas été retenue par la justice qui écarte donc du même coup la préméditation. Habib Mezaoui ne peut que se réjouir de la nature des chefs d'accusation, malgré son passé professionnel. Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, les institutions aussi ont tout intérêt à faire de cette action sanglante un cambriolage dramatique. Retenir la vengeance dans cette action, au-delà de l'aspect prémédité qui chargerait un peu plus l'auteur des méfaits, pourrait faire réfléchir l'opinion publique, de plus en plus sensible au diktat des entreprises. Mieux vaut-il ne pas échauffer les esprits en établissant dans l'opinion publique une corrélation entre une agression professionnelle du patron envers l'employé et une agression physique de l'employé sur le patron. Simple vol qui a mal tourné, vengeance, ou mélange des deux, la vérité appartient à l'auteur, et il y fort à parier que nous n'en saurons jamais le fin mot.


Manipulation de l'opinion

L'AFP n'hésite pas à qualifier ce hold-up comme « l'un des plus sanglants commis en France »2, tout en rappelant l'augmentation de 9,6% de la délinquance sur les six premiers mois de 2001, et ce comparativement à la même période en 2000. La région parisienne se distingue quant à elle par une hausse record de 20,3 % d'attaques à main armée au premier semestre. Cet étalage de chiffres et la couverture médiatique quasiment en temps réel de ce genre d'événement ne font qu'accentuer la psychose qui fait de l'insécurité la préoccupation première des français. Et comme à chaque fois que se pose un problème, on se précipite, notamment les futurs candidats, pour trouver une solution qui tendra à supprimer l'effet, mais non pas la cause, créant ainsi un autre problème à résoudre. On a vite fait de mettre en exergue les formules bateau du style « recrudescence de la délinquance » lorsque l'on recense un braquage supplémentaire. Mais dans quelle mesure s'interroge-t-on sur les raisons qui poussent du jour au lendemain des honnêtes hommes à devenir des gangsters sanguinaires. Les remèdes sont attribués sans diagnostiques puisque il s'avère que Habib Mezaoui « a laissé l'argent à la Caisse d'épargne alors qu'il aurait pu s'emparer de sommes énormes sans difficulté. Pour quelqu'un qui braque une banque, c'est un mystère »3


Des vessies pour des lanternes

A la « chute libre » d'une partie de la société on oppose l'escalade des budgets de des ministères de l'Intérieur et de la Justice. La répression engendrera plus certainement la sédition que la guérison. A l'image de la médecine allopathique dont chaque mois nous apporte le témoignage d'un nouveau dérapage, on soigne séparément les membres d'une société que l'on juge malade par des traitements qui engendrent la haine plus qu'ils ne rétablissent l'équité. Le ministère de la justice se révèle être le ministère de l'injustice puisqu'il est en charge d'appliquer des lois votées par politiciens financés par des nantis, et donc en accord avec les préceptes de ces derniers. Vous a-t-on déjà demandé votre avis lors de la prise d'une décision qui influe sur votre cadre de vie ?


« Nécessaire adaptation à la mondialisation " ou façonnant une Europe forteresse contre " toute la misère du monde ", aussi barbares et injustes soient-elles aux yeux de ceux et celles, toujours plus nombreux, qui sont précarisés, paupérisés, expulsés par charters, réduits à la charité,..., ces lois doivent être vénérées par ceux-là mêmes qu'elles exploitent, oppriment et aliènent. Effacer les prisonniers révolutionnaires du paysage des contradictions parcourant nos sociétés est partie prenante du processus pour pérenniser la soumission à la valorisation du Capital. »

Joëlle Aubron
, militante d’Action Directe, juillet 1996.


Lorsque certains tentent de le faire, comme ce fut le cas lors du référendum à propos de la réouverture aux poids lourds du tunnel du Mont-blanc, les institutions publiques, en l'occurrence le tribunal administratif, se hâtent de protéger les lobbys privés en prétextant que la consultation programmée par les collectivités locales relevait des compétences de l'Etat ou d'une autre collectivité publique. Mais, avec un taux de participation à 53,23 % et un "non" qui l'emporte par 97,23 %, le peuple a montré qu'il pouvait se mobiliser quand on lui posait des questions qui le concernent directement. Ce ne sera pas souvent le cas dans l'avenir puisque dans 80 % des cas l'Europe oblige à une transformation et une application d'une réglementation dont elle décide elle-même la nature en ce qui concerne l'environnement. Pour le reste, 60 % des règles qui nous régissent sont d'origine européenne et auront tôt ou tard une influence directe sur la législation française. Quand on sait de quelle façon et par qui est élaborée la réglementation européenne (voir Les Lobbies en Europe), on ne s'étonne pas que celle ci soit d'une part en désaccord avec l'idéal humaniste, et d'autre part bien éloignée de l'espoir électorale que le citoyen formule.
La première des choses à faire pour réduire la délinquance serait donc de rendre au peuple un pouvoir qui par la multiplicité d'institutions internationales ou européennes se voit dilué dans une élite technocratique d'expert, de conseillers, de cabinets spécialisés ou de groupes d'influences qui n'ont et n'auront jamais à subir la sanction des urnes. Il y a fort à parier que la délinquance, qui est aussi une manifestation existentielle devant le fossé qui sépare les organes décisionnels du peuple, n'aille crescendo si cette réappropriation démocratique ne s'effectue pas.
RESIST
La seconde des choses à faire serait de mettre un sérieux coup de frein à la course folle du profit, et de se demander à quoi sert la rentabilité d'un point de vue humain si pour l'atteindre une majeure partie des habitants de la planète doit sacrifier ses avantages sociaux et financiers, pour peu qu'elle en ait eu un jour.
D'une part les entreprises nous assènent à longueur de journée par le biais de spots publicitaires, d'ailleurs hors de prix, tout le bénéfice que nous aurons à consommer la multitude des produits qui sont mis à notre disposition. D'autre part, les mêmes entreprises font tout au niveau des organismes de prise de décision nationaux ou internationaux pour que la rentabilité de leur production soit optimale, c'est-à-dire pour que les charges, à savoir, entre autres choses, les salaires des employés, soient minimums.
Je veux bien que le matérialisme ne soit qu'un piège maléfique, mais alors qu'attend t'on pour déclarer hors la loi la publicité qui n'est qu'un « pousse au crime » mettant en scène des objets dont la majorité de la population ne pourra jamais entrer en possession de par leurs coûts prohibitifs. Malgré que la masse salariale distribuée ait globalement augmenté en France, elle est principalement due à l'accroissement des masses laborieuses. Le résultat s'est traduit dans la quasi-stagnation de la feuille de paie. Les salariés ont vu leur salaire moyen ne s'élever que de 32 %, entre 1990 et 2000, alors que la moyenne européenne et américaine se situe respectivement à 55 % et 49 % d'augmentation.4 Alors que le nombre de personnes soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est passé de 133 000 en 1990 à 247 000 en 2000, le nombre de salariés payés entre 1 et 1,3 fois le Smic a continué de croître depuis quatre ans pour atteindre en 2000 le taux de 40 % des salariés du privé.
De plus la fracture sociale ne fait que s'agrandir quand on constate les dernières augmentations des dirigeants des sociétés du CAC 40 (36 % en 2000, 20 % en 2001, 13 % en 2002, 14 % en 20035) relativement à celle des salariés (1,2 % d'évolution annuelle moyenne entre 1983 et 20026), que les personnes concernées justifient par un effet de rattrapage sur leurs collègues d'outre atlantique... Cette fracture est encore plus patente dans les milieux défavorisés quand on sait que les loyers des ménages pauvres ont augmentés de près de 80 % entre 1988 et 2002 alors que leurs revenus n'ont progressés que de 30 %7, et encore, ces nombres sont des moyennes !
On voit donc se dessiner une France à deux vitesses, celles qui pourra s'offrir la dernière Citroën C5, et l'autre. L'autre elle continuera à trimer en courbant l'échine, ou se rebellera comme Habib Mezaoui qui est l'un de ces Global Killer qui devant l'agression institutionnelle n'a trouvé pour réponse que l'action criminelle. Un modèle de société qui nous pousse à désirer ce que nous ne pourrons jamais nous offrir, ne peut raisonnablement pas tenir la route éternellement de par les réactions de frustration qu'il engendre.


« N'en déplaise aux nostalgiques du bon vieux temps d'une France catholique et monarchiste, l'insécurité non seulement n'est pas un phénomène actuel ni même moderne, mais elle atteignait autrefois une ampleur qui serait considérée aujourd'hui comme parfaitement insupportable, politiquement, aussi bien que socialement. Depuis trois siècles, la tendance a été indéniablement une constante amélioration, en dépit de rares reculs ou coups d'arrêts ponctuels liés à des périodes de crises. Dans le même temps, la répression (féroce sous le règne de Louis XIV et encore extrêmement dure au siècle dernier) n'a cessé de s'adoucir en s'humanisant.

L'histoire de l'insécurité est donc un démenti à ceux, hélas trop nombreux, pour qui la seule solution est de faire preuve d'une sévérité impitoyable à l'égard des délinquants. Ce sont plutôt des facteurs tels que l'élévation du niveau de vie, l'amélioration des conditions d'existence, le développement de l'éducation ou les progrès de la démocratie qui apparaissent comme ayant joué un rôle majeur sinon essentiel dans cette évolution constante vers une société plus sûre à tous les points de vue. La prévention s'est toujours montrée à terme plus efficace que la répression. »

Robert Chesnais, SDF, truands et mendiants dans le Paris du Roi Soleil, L’esprit frappeur, 1998.

 


A l'image du chat que l'on énerve en passant devant son museau la pelote tant convoitée qu'il ne pourra jamais saisir, et qui, excédé, finira par vous sauter sur la main, les divers mouvements antimondialisation, du plus légal au plus criminel, commencent à perdre patience. La fuite des élus dans des contrées désertiques, afin de mener tranquillement à terme leurs réunions, pourrait être prise comme une tentative de mise à l'écart de ceux qui tentent d'en savoir plus sur leurs conciliabules que ne le font des médias complices qui profitent du système, ou le subissent.
Les moutons de Panurge que nous sommes vont-ils continuer de se faire narguer par la pelote, que nous tissons nous-mêmes sur notre dos, et ce sans jamais pouvoir jouer avec ?

Sommet de Nice 2000
La sommet de Nice de décembre 2000 : les forces de l'ordre sont sur le pied de guerre...


Droit de l'homme

On peut lire à l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l´homme que « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne », et c’est pour cette raison que je condamne l’acte d’Habib Mezaoui, mais on peut aussi lire dans l’article suivant que « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ». Il serait peut-être temps de redéfinir le terme d’« esclavage » dans des pays dont les entreprises privées ne voient plus que par le profit et les organismes publics par la parcimonie, dans des sociétés ou des systèmes comme Echelon, ou Essaim en France, surveillent toutes les communications et arrivent à localiser le porteur d’un téléphone mobile, ce dont France Telecom n’hésite pas à se vanter (cliquez ici), où les moyens de paiements électroniques permettent à l’état de savoir qui dépense quoi, où, quand et dans quel but. « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. », qui osera encore dire que l’article 12 n’est pas largement bafoué ? Et que dire de l’article 17 qui rappelle que « Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété » ? Il y a des droits de l’homme qui ne sont accessibles que grâce à une certaine aisance financière.


Les agresseurs sont les victimes

Si vous êtes titulaire d'un Bac D (biologie) et d'un diplôme universitaire technologique (DUT) en technique de commercialisation, si vous passez votre été comme éducateur en animant un centre aéré, et même si vous êtes un parfait inconnu pour le STIC (système de traitement des infractions constatées), vous n'êtes pas à l'abri de commettre l'irréparable comme l'a fait Habib Mezaoui. Bien que la vengeance ne soit pas prise en compte par l'accusation, et que l'ignorance de ce motif arrange autant l'Etat que l'agresseur, nous ne pouvons écarter aussi facilement ce facteur à la vue des faits. Habib Mezaoui n'a pas emporté d'argent après avoir passé plus de trois heures dans la Caisse d'épargne. Il a simplement dérobé les papiers d'identité, les téléphones portables et les cartes de crédit des employés.
A l'heure où les médias n'hésitent pas à qualifier nos banlieues, nos forêts ou la Corse de zones de non-droit, ils sont étrangement discrets en ce qui concerne le monde de l'entreprise. Quand on sait que l'inspection du travail ne contrôlait déjà que 30 % des entreprises en 1974, alors que ce chiffre est tombé à 14 % pour l'année 1993, on est tenté de penser que l'on vient de découvrir une nouvelle zone de non-droit. A moins que tout aille tellement bien dans le monde du travail qu'il n'ait plus besoin d'être contrôlé ! Cela ne semble pas être le cas puisque en 1995, un million d'infractions ont été constatées, et seuls 3 % ont donné lieu à une observation ou une mise en demeure. De ces 3 %, seulement un quart a abouti à des condamnations qui se sont traduites par des peines ridicules comparées à la gravité des délits. Les statistiques font aussi état de discrimination, lorsque l'on constate que le taux de chômage chez les jeunes de 22 à 29 ans dont les deux parents sont nés en Algérie est de 42 % alors qu'il est de 11 % chez les français du même âge.8
Le ministre de l'intérieur, Daniel Vaillant, a exprimé samedi « sa très vive émotion et sa grande tristesse devant ce drame de la folie humaine » et s'est incliné devant « la mémoire des victimes lâchement abattues pendant cet acte odieux ».9
La folie est caractéristique de ce qui échappe au contrôle de la raison, du bon sens. Le bon sens des gouvernements est celui qui consiste à suivre la conjoncture lorsqu'il s'agit du domaine économique et social, et à prendre les choses en main lorsqu'il s'agit d'insécurité, sans se préoccuper de savoir si des premiers problèmes peuvent découler les seconds. François Mitterrand déclara que « tout a été tenté contre le chômage » et Lionel Jospin après les licenciements de Vilvoorde, en Belgique, confirma que « l'Etat n'a pas vocation à administrer l'économie ». Ce constat d'impuissance devant un phénomène qui dépasse le cadre national nous est inculqué par les déclarations des politiciens de tous bords, dés qu'ils se trouvent dans la majorité. Ce discours qui fait porter la responsabilité à la conjoncture a le double avantage de masquer les vrais coupables de cet état de fait, et d'empêcher toute rébellion, l'ennemi étant inconnu. On ne lance pas un mouvement de protestation contre une conjoncture.

« La fureur n'est en aucune façon une réaction automatique face à la misère et à la souffrance en tant que telle ; personne ne se met en fureur devant une maladie incurable ou un tremblement de terre, ou en face de conditions sociales qu'il paraît impossible de modifier. C'est seulement au cas où on a de bonnes raisons de croire que ces conditions pourraient être changées et qu'elles ne le sont pas, que la fureur éclate. »

Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, Calmann-Lévy, 1972.


Sommet de Nice 2000
... A croire que la libre circulation n'est valable que pour les marchandises. 


Avec la monté de l'insécurité, le gouvernement ne fait que récolter les fruits d'une politique pro-libérale, quelle que soit sa couleur politique, calquée sur une orientation globale. La population désoeuvrée reproduit le schéma qu'appliquent ses institutions. Ces dernières se disent impuissantes à contrecarrer la conjoncture, et agissent donc sur les seuls leviers qui restent à leur disposition, ceux de la sécurité.
Les personnes qui souffrent des licenciements, de la flexibilité, de la mobilité imposée par les restructurations, de la pression exercée sur elles pour des besoins de rentabilité, des bas salaires, des conditions de travail qui englobent entre autres choses la discrimination et le harcèlement moral, n'identifient pas l'ennemi dans la " conjoncture ", et sont de plus en plus nombreuses à sombrer dans l'illégalité pour tenter d'assouvir des besoins créés par une société qui ne peut pas leur apporter de quoi les satisfaire.
D'un côté comme de l'autre, on ne cherche plus à identifier les responsables, on agit pour faire en sorte que, malgré tout, on continue à avancer. Si la délinquance engendrée par la glorification de la société consumériste mène la majorité de ses auteurs droit dans le mur, nos responsables ne sont apparemment toujours pas convaincus que leur politique de l'autruche conduira nos sociétés vers la même voie sans issue. La folie, en l'occurrence, consiste à laisser le champ libre aux scénaristes du marché global qui, indirectement, amènent les populations, par la soi-disant inéluctabilité d'un système, à oublier l'Etat providence et à encourager l'Etat pénal, recentré sur ses fonctions régaliennes, à savoir l'ordre public et la défense nationale. Mais le Global Killer sommeille en chacun de nous et n'attend que le facteur déclenchant pour se réveiller et commettre l'irréparable. Hypnotisée par les médias et les déclarations des politiques qui, par manque de courage, orientent leurs promesses sur les effets et non sur les causes, la population prend pour de simples délinquants ces précurseurs du Nouveau Désordre Mondial.


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Sources :

Stop quelle violence, Sylvie Tissot et Pierre Tévanian, éditions L'Esprit Frappeur, 2001

1 Entre "crapulerie" et "ressentiment", l'acte d'un homme "réfléchi", selon les enquêteurs, Le Monde, 13-08-01

2 AFP, Un hold-up sanglant sur fond de hausse de la délinquance, 12-08-01

3 Témoignage d'un policier cité dans « Cergy: le braqueur tue et laisse l'argent », par Jacky DURAND, Libération du 13-08-01

4 Alternatives Economiques, juillet-août 2001, n°194

5 Les Echos, lundi 10 mai 2004

6 La modération salariale en France depuis le début des années 1980, Rozenn Desplatz (appartient à la Direction de la Prévision), Stéphanie Jamet (à la Dares), Vladimir Passeron (à la division Synthèse conjoncturelle de l'Insee) et Fabrice Romans (à la division Salaires et revenus d'activité de l'Insee), INSEE, ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 367, 2003

7 Rapport 2003-2004 de l'Observatoire National de la Pauvreté, Les Echos, vendredi 9 et samedi 10 avril 2004

8 CERC, Immigration, emploi et chômage, n°3, 1999

9 Le Monde, L'auteur du hold-up meurtrier de Cergy-Pontoise arrêté, 12-08-01

Illustrations :

Sommet de Nice du 6 et 8 décembre 2000, remerciements Paul Brook



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