L’intoxication pétrolière
L’ignorance de quelques informations a bridé les pays en voie de développement et les pays développés dans leur évolution. Des peuples entiers ont été manipulés dans leur histoire et le sont au quotidien, supportant des sacrifices qui pourraient être évités. L’écologie et l’énergie sont des domaines habilement manipulés pour servir prioritairement certains protagonistes aux dépends de l’intérêt général.
Une pénurie organisée
La guerre en Irak, la croissance des pays asiatiques, et la pénurie de la ressource conduisent à une diminution des stocks mondiaux qui légitiment officiellement la tension actuelle sur le prix du baril.
Cette situation critique a tout de même l’avantage de ne pas handicaper tout le monde. Les premiers à bénéficier de l’inflation des prix de l’or noir sont d’abord les pays producteurs et ensuite les compagnies pétrolières. On retrouve en tête de classement l’Arabie Saoudite avec un excédent budgétaire estimé à 35 milliards de dollars pour l’année 2004
1, ensuite viennent la Russie handicapée par l’affaire Ioukos, la Norvège, l’Iran, les Emirats Arabe Unis, ou encore le Nigeria qui se trouve être le premier exportateur africain de pétrole. Quand à la société Total, son bénéfice net du troisième trimestre 2004 a progressé de 38 % par rapport à la même période de l’an dernier
2, et celui de BP de 53 %
3.
Le mercredi 20 octobre 2004, les cours du pétrole ont rebondis à l’annonce du département américain de l’Energie qui faisait état d’une baisse des stocks des produits distillés, incluant notamment le fioul de chauffage. Pourtant les ressources «
prouvées » ont augmenté au fil du temps grâce à la confirmation de l’existence de champs pétrolifères, et au progrès effectué dans l’exploitation d’une source qui a fait passer le taux de récupération de 25 % à 35 % ou 40 %. On nous affirme néanmoins que la consommation de pétrole s’élevant à 82 millions de barils par jour dans le monde, les réserves permettraient de tenir seulement jusqu’en 2040
4. Mais le nombre de puits d’exploration s’est réduit à 2500 pour plus de 6000 en 1981. «
Depuis les années 1980, la part des revenus pétroliers réinvestie dans l’exploration-production a diminué, au profit du développement de gisements déjà existants » confirme Nathalie Alazard, directrice des études économiques de l’Institut français du pétrole
5. Il suffirait donc que l’investissement en exploration-production reprenne pour que les ressources «
prouvées » soient réévaluées, et que la date fatidique s’éloigne un peu plus.
Le mercredi 29 octobre, l’annonce d’un niveau des stocks pétroliers américains plus haut que prévu fut le signe déclencheur qui incita les acteurs du marché à prendre leurs bénéfices. Les cours chutèrent, jusqu’à la prochaine fois…
On aura bien compris que toutes ces évaluations, aussi sérieuses qu’elles paraissent, ne sont que très peu objectives sur la date réelle d’une éventuelle pénurie. Elles ont un effet psychologique indéniable qui se ressent sur les marchés et donc sur la vie de tout à chacun, mais elles n’ont aucune valeur fondamentale puisqu’elles peuvent varier selon les paramètres qui servent à leur calcul, paramètres qui ne dépendent que de la bonne volonté des sociétés pétrolières, à savoir l’effort d’investissement dans l’exploration et la production. Nous verrons que les experts ne se contentent pas de formuler des analyses en partie erronées pour justifier l’augmentation des prix du pétrole, ils en font de même en ce qui concerne les politiques à mettre en œuvre qui permettraient d’en finir avec cette dépendance énergétique.
Le double
impact asiatique
La visibilité de la situation est obscurcie par la forte croissance des pays asiatiques qui crée des tensions sur les marchés des produits de base, tensions auxquelles on a tendance à attribuer un peu vite les tensions sur les marchés boursiers. Mais il se trouve que la Chine s’est hissée au troisième rang des créanciers de la planète avec 400 milliards de dollars de réserve de change
6. La Banque du Japon (BoJ) et la Banque de Chine sont les principaux financiers des déficits du budget fédéral américain. La hausse des matières premières n’est donc pas seulement due à la hausse du cours du baril ou aux effets de la croissance chinoise. La spéculation correspondrait plutôt à une opération de soutien du dollar
7, à l’image de ce qui s’est passé à la veille de la récession de 1974.
Cependant, le Fonds monétaire international, organisme à forte influence américaine, doute que la détention d’actifs américains par les banques asiatiques puisse constituer un quelconque danger, et relativise l’ampleur de cette créance. «
Si vous regardez le montant (de créances)
détenu par rapport au stock total des actifs américains, il est relativement faible, souligne Raghuram Rajan, économiste en chef du FMI. (…)
La plupart des gens regardent la taille du déficit courant américain et la comparent à celle des réserves accumulées par les banques centrales étrangères. Les montants sont équivalents. Aussi, estiment-ils, à tort, que les banques centrales financent le déficit courant américain. Elles ne représentent pourtant qu’une faible part des investisseurs aux Etats-Unis. On a exagéré leur influence8 ».
Toutefois, ceux qui ont intérêts à maintenir un dollar à un bon niveau sont les spéculateurs et les investisseurs des pays qui exportent vers les Etats-Unis. Pour soutenir ce dernier, les banques centrales de l’empire du milieu, du pays du soleil levant et d’autres états est-asiatiques ont accumulé près de 2 milliards de dollars en titre libellés en dollar.
«
Pour le gouvernement chinois, le risque de pertes sur ses titres libellés en dollars passe après la nécessité de maintenir le quasi plein emploi dans les ports industriels comme Shangaï, écrit J. Bradford Delong
9.
L’oligarchie communiste s’est habituée à un certain confort, et ne voudrait pas voir ses prérogatives remises en cause par un chômage massif et des troubles urbains ».
La BoJ pratiqua des interventions massives au début de l’année qui eurent pour effet d’enrayer la chute du dollar, ainsi que la montée de l’euro et du yen. Mais l’évolution positive de l’activité industrielle japonaise et le fait que la Chine et la Corée du Sud représentent à elle deux plus de 25 % du commerce extérieur japonais alors que la zone dollar en représente 22 % sont des éléments qui incite la Banque du Japon à redéfinir ses priorités
10.
La réorientation de la politique de la BoJ et le fait que l’ensemble des détenteurs de titres libellés en dollars risque de se lasser de rendements jugés plutôt faibles pourraient provoquer une réaction en chaîne qui aurait pour conséquence de précipiter la chute du dollar et de provoquer une crise financière. Les investisseurs toujours à l’affût d’une valeur potentiellement enrichissante ne s’embarrassent pas de ces considérations alarmistes. Ils surfent sur la vague de croissance des pays asiatiques en spéculant sur le baril, contribuant du même coup à fragiliser un peu plus les équilibres généraux du marché.
La dépendance de l’agriculture
La Chine importe un tiers de son pétrole. Mais étant donné que ce pays connaît une croissance économique située autour de 9 %, sa consommation augmente continuellement et pèse essentiellement sur les achats de brut à l’étranger qui ont augmenté d’à peu près 40 % au cours des sept premiers mois de l’année 2004
11. Le cours du naphta a également augmenté, ce qui affecte un secteur supplémentaire puisque ce produit est un dérivé du pétrole qui sert de matière première en pétrochimie
12. C’est ainsi que les secteurs de l’emballage, de l’électroménager, de l’automobile, ou encore les pêcheurs, les agences de voyages, les taxis, sont soumis aux variations des prix du pétrole. Prises en tenaille entre la hausse des coûts de production, les intérêts des actionnaires et la pression du client ou du consommateur qui visent au moins cher puisqu’il ne récolte toujours pas les fruits de sa productivité, les entreprises ne pourront qu’accentuer les restructurations, les regroupements, les délocalisations, ou ne pourront éviter les fermetures.
Les agriculteurs sont également particulièrement concernés de par l’évolution de leur métier et les orientations de la politique agricole commune liant jusqu’à aujourd’hui les aides à la productivité. L’augmentation de la puissance des tracteurs, le développement des productions sous serres, l’utilisation massive d’engrais et de pesticides ont contribué à accroître une dépendance vis-à-vis du pétrole. Mais les politiques changent et les aides européennes seront découplées pour prendre une orientation soit disant plus respectueuse de l’environnement. C’est apparemment le même chemin qui est suivi quand il est fait l’apologie des biocarburants dont l’extension devient viable avec la montée des prix du pétrole.
A y regarder de plus prés, on constate néanmoins une contradiction entre une volonté de sauvegarder l’environnement et celle de l’agencer de telle façon à ce qu’il produise les ressources énergétiques qui contribueront à sa modification, voir à son dépérissement. Le bilan énergétique mitigé de ces expédients
13 sous-entend une culture exponentielle des plantes énergétiques pour couvrir des besoins sans cesse croissants, et donc une uniformisation du paysage agricole. Les produits phytosanitaires n’ayant pas bonne presse ces derniers temps, cette expansion agraire pourrait s’effectuer à l’aide d’organismes génétiquement modifiés.
L'uniformisation des cultures est en marche
Cette idée n’est pas plus rassurante, dans le sens où personne ne connaît les effets des OGM à long terme. On ne peut que remettre en question une politique basée sur des tarifs pétroliers compétitifs qui a poussé à la spécialisation agricole et à l’évincement de la ceinture maraîchère du pourtour des agglomérations
14. La disparition de l’autonomie alimentaire de certaines régions ou de pays entiers est proportionnelle à l’augmentation de notre dépendance vis-à-vis des transports internationaux, et donc du pétrole, ainsi que du scientisme appliqué à l’agriculture sans marge temporelle de sécurité.
Le productivisme agricole amène donc une concentration sur des zones éloignées des agglomérations, ce qui conduit au développement d’infrastructures de transport dopées à l’époque par un pétrole bon marché. Mais il suffit que le dernier élément ait été estimé approximativement pour que la cohérence de notre chaîne de distribution alimentaire soit remise en question. Néanmoins, plutôt que de prôner un retour à une agriculture plus proche du citoyen, nos responsables préfèrent continuer sur la même voie en parlant d’environnement mais en instaurant une politique agricole commune (PAC) qui incitera les producteurs à rentabiliser leur exploitation, donc à uniformiser leurs cultures et leurs élevages, et ainsi à obliger les distributeurs à se procurer la variété exigée par le consommateur à des distances encore plus éloignées.
C’est donc ainsi que l’on sélectionne des plantes de plus en plus productives, qu’elles soient OGM ou non, et dont les différences génétiques diminuent jusqu’à s’effacer. En uniformisant le patrimoine génétique, on simplifie le travail des agents viraux, et on rend donc les plantes et les animaux de plus en plus vulnérables.
Au danger épidémiologique il sera important de rajouter le problème climatologique de par
un allongement des distances de livraison que
sous-entend cette politique, et qui se traduit inévitablement, de par l’énergie qu’emploient les moyens de transport de nos jours, par des émanations supplémentaires de dioxyde de carbone.
Mais il semble difficile d'inverser le processus tant que, par exemple, une entreprise spécialisée dans la transformation des viandes peut dégager plus de bénéfices en commandant ses poulets en grande quantité au Brésil plutôt que de se fournir sur le territoire national
...
L’Europe n’est pas plus exemplaire dans le domaine puisqu’elle incite la Société nationale de chemin de fer (SNCF) française à ramener à l’équilibre les comptes de la branche du trafic de marchandise.
Il s’agit donc pour la SNCF de se séparer des lignes qui n’ont pas un niveau de rentabilité suffisant
15. Cette injonction communautaire a pour effet d’opérer un transfert du rail vers la route, et donc, là encore, d’accentuer les causes de pollution directe, mais peut-être pas indirecte comme nous le verrons plus bas.
Tout cela démontre que l’argumentation écologique du découplage n’est qu’un prétexte. Le but de la réforme de la PAC est ni plus ni moins d’accroître la productivité et de délocaliser les productions qui ne sont plus rentables. L’Europe ne peut pas nous parler de préservation de l’environnement quand elle souhaite faire passer sa politique agricole, et l’oublier au sujet de sa politique des transports. On voit bien que ce qui paraît être un progrès au premier abord, ou un enchaînement de politiques sectorielles à courte vue, n’est en fait qu’une planification qui n’a pas pour objectif de servir l’intérêt général.
Les fausses solutions
La croissance chinoise et le manque d’investissement des industries minières ces dernières années ont aussi pour effet de faire flamber le prix des matières premières
16 (Nickel, acier, aluminium, manganèse, minerai de fer, caoutchouc) et de poser la question de la pérennité des ressources, et derrière elle, celle de la recherche, de l’innovation, et du développement durable. Tous ceux qui prônent la mise en place d’une législation plus sévère dans le domaine environnemental ne peuvent en attendre un résultat que si celle-ci est appliquée sur le plan mondial. Mais en attendant l’aboutissement de cette utopie, les principes écologiques qui nous paraissent évidents pour la sauvegarde de la planète seront inévitablement bafoués par ceux qui placent les intérêts financiers ou politiques à court terme au-dessus du développement durable.
C’est dans un soucis d’action groupée qu’un accord européen de décembre 2002, qui doit entrer en vigueur en 2005 et deviendra obligatoire en 2008, met en place les permis de polluer, corollaire du protocole de Kyoto. Les entreprises de production d’électricité, d’acier, de ciment, de verre ou encore de papier se verront octroyer chaque année un quota d'émissions de dioxyde de carbone. Si elles dépassent ce plafond, elles pourront acheter des quotas supplémentaires à d'autres sociétés, qui seront restées en dessous de la limite fixée. Mais la préservation de notre écosystème et la conservation des équilibres naturels qui permettent la subsistance de la vie, et plus précisément de l’espèce humaine, sont par définition inestimables. Seules les déviances de nos sociétés modernes aboutissent à la possibilité d’estimer le préjudice causé, par exemple, par la perte d’un proche. Si notre environnement vital est mis en danger par une quelconque pollution, il nous est alors impossible de donner une valeur monétaire aux dommages, surtout si ceux-ci aboutissent à notre extinction.
Quant à la signature du protocole de Kyoto par la Russie, il ne correspond pas à une prise de conscience écologique du Kremlin. C’est un geste éminemment politique qui facilitera l’accès de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce en permettant d’atténuer préalablement les remontrances européennes au sujet de la prise d’otages de Beslan, de la situation en Tchétchénie et de la désignation par le pouvoir central de gouverneur auparavant élus au suffrage universel. La Russie se rachète une conduite à peu de frais vis-à-vis des Européens pour deux raisons. La première est qu’elle se réserve le droit de quitter le protocole en 2009 si sa lutte contre le terrorisme Tchétchène n’est toujours pas comprise par l’Europe. La seconde est que suite à son effondrement économique entre le moment où ont été pris les taux de référence d’émission de gaz à effet de serre (1990) et aujourd’hui, la Russie se trouve être 25 % au dessous de ses objectifs, ce qui lui laisse une marge de développement économique conséquente
17.
Lors du G7 qui a eu lieu au mois d’octobre 2004 à Washington, la France, par l’intermédiaire de son ministre de l’Economie et des Finances, pourrait paraître vertueuse en prônant les économies d’énergie. En fait elle incite les autres à ralentir leur développement pour préserver le sien, et sait que bien que sa facture énergétique ne représente plus aujourd’hui que 1,5 % de son PIB pour 4,8 % au début des années 1980. La France aura moins de mal que les autres à suivre la règle qu’elle avance devant les instances internationales sur le plan énergétique de par sa relative indépendance vis-à-vis des protocoles de Kyoto qu’elle doit à l’importance de son parc nucléaire.
Mais malgré ce dernier, et contrairement aux idées reçues, la production électrique mondiale reste à la première place pour les émissions de CO2 (44 %), devant le transport routier (20 %) et l’industrie (18 %)
18. C’est la raison pour laquelle limiter les émissions de gaz à effet de serre par le développement des tramways, des voitures et des bus électriques à l’aide de subventions publiques n’est justifié que si l’on a préalablement défini l’origine de l’électricité employée. Mais en France, l’électricité étant en majeure partie d’origine nucléaire, on ne fait que remplacer le problème des gaz à effet de serre par celui des déchets radioactifs. Le risque radioactif qui s’accroît ainsi sur le milieu naturel fait peser une menace sur les générations futures. Aujourd’hui, le développement des transports en commun électriques permet à l’élu qui en sera l’instigateur de renouveler aisément son mandat en se targuant d’être préoccupé par des considérations environnementales. Il est urgent de réaliser que les représentants du peuple qui oeuvrent pour le retour des tramways contribuent à augmenter la consommation électrique nationale, se faisant dans l’état actuel des choses les complices de l’expansion du parc nucléaire français, et que leur positionnement populiste de court terme hypothèque inconsidérément le cadre de vie des générations à venir.
Centrale nuclaire
Quoi qu’il en soit, les recommandations d’économie d’énergie reprises par des spots publicitaires (Vite, ça chauffe !) ne sont qu’une coût médiatique supplémentaire visant conjointement la psyché publique et celle des acteurs du marché, et ne représentant pas une attaque frontale du lobby pétrolier. L’augmentation des cours du pétrole compense déjà les pertes au niveau de la production. La société Total ne se formalisera pas de la sortie populiste et sans suites d’un représentant du gouvernement, ou d’une campagne publicitaire incitant aux économies d’énergie, elle qui voit ses bénéfices et ses actions s’envoler malgré une baisse de 2,5 % de sa production sur le troisième trimestre 2004
19.
L’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis dénoncent quant à eux un marché en proie à l’opacité et à la spéculation des fonds d’investissement (hedge fund)
20. Il est indéniable que la spéculation des acteurs du marché et notamment des fonds d’arbitrage, les échanges papier de valeurs minières et énergétiques, ou les changements successifs de propriétaire d’une même cargaison de pétrole en cours d’acheminement contribuent à accentuer des coûts économiques et à gripper le développement. Ces entraves se retrouvent dans la problématique sociale quand l’industrie se voit obligée de restructurer ou de délocaliser par manque de rentabilité, eu égard à la pression des clients et, là encore, des marchés par le biais des actionnaires. Une redéfinition des règles du marché corrigerait ces déficiences, mais leur application n’aurait d’efficacité que sur une échelle globale, ce qui nous ramène à une problématique utopique.
La ressource pétrolière est inépuisable
Un déclencheur vertueux est nécessaire pour entraîner les sphères politiques et industrielles, et pour avoir l’assentiment de l’opinion publique. Il ne faut pas compter sur les énergies renouvelables officielles (éolien, solaire, géothermie,…) qui verront toujours leur essor suspendu au cours du pétrole. Si la situation actuelle incite certains à formuler des plaidoyers pour leur déploiement, une baisse de la valeur du baril aurait rapidement raison de ces panégyriques. Et comme nous l’avons vu précédemment, le cours du baril est la conséquence directe du niveau des stocks et de ce qui est consacré à l’exploration et à la production, éléments à la bonne volonté des sociétés pétrolières. La mode étant à l’économie, les compagnies ont tout intérêt à simuler la pénurie de l’or noir pour doper les cours, et rattraper ainsi à peu de frais ce qu’elles perdent en production.
Seule une énergie dite « libre » permettra l’émancipation de toute la chaîne industrielle du lobby pétrolier, libérera les gouvernements de la pression des marchés, sauvera les peuples du dumping social et évitera à la planète un péril écologique. Seule une énergie propre et moins onéreuse que celles actuellement utilisées
21 peut emporter les faveurs des gouvernements non corrompus, des populations conscientes que leur désir de fonder une famille est indissociable de la nécessité d’assurer un avenir à leur descendance par un développement respectueux de l’environnement, et des entreprises qui préfèrent consacrer leur profit à ceux qui créent de la valeur ajoutée.
Les secteurs de recherche et de développement pourraient voir ainsi leurs capacités décuplées et permettre la création de substituts aux aciers ou aux matières plastiques. C’est alors un autre filon d’économie qui pourrait apparaître dans certains secteurs, puisque dans le gros électroménager, les matières premières représentent jusqu’à 80 % des prix de revient d’un appareil et de ses composants
22.
On pourrait craindre que l’abandon de la production pétrolière provoque la ruine de certains pays.
Mais au contraire, l’industrie pétrolière étant principalement capitalistique, elle n’a pas tendance a créer naturellement un grand nombre d’emplois dans les zones où elle s’implante. L’ONG Transparency International, relayée par la Banque Mondiale, affirme que l’industrie pétrolière «
constitue un obstacle majeur au développement durable »
23 des pays pauvres dans le sens où l’extraction des ressources énergétiques rime souvent avec la corruption des acteurs concernés. Le pays en question est alors tenté de négliger sa production nationale dont les prix se renchérissent pour privilégier des importations de biens de consommation devenues meilleur marché. Le taux de change de la monnaie du pays producteur augmente. Le pays se place en situation de monoproduction pétrolière en laissant péricliter les autres secteurs de son économie, et s’accentuer le taux de chômage.
Le renoncement à la production pétrolière aurait pour mérite, à condition qu’il soit accompagné d’un plan d’éducation civique des populations souvent délaissées par leurs gouvernants, de rétablir un équilibre entre les différents secteurs économiques d’un pays, et d’élever le niveau de vie de chacun.
Il devient urgent de se faire l’écho des affirmations d’un chercheur qui pourrait remettre un peu d’ordre dans les idées reçues. L’astronome Thomas Gold (1920-2004) exposa sa théorie dans son livre
The Deep Hot Biosphere (1999) comme quoi le pétrole est une ressource qui se renouvelle naturellement et continuellement, car il a pour origine le noyau de la terre et s’élabore au fil du temps grâce à la combinaison d’éléments qui remontent tout en étant soumis à des pressions énormes et des températures extrêmes
24. Ce parcours formateur croise la route des bactéries de l’ère des dinosaures, ce qui aurait induit en erreur l’ensemble de la communauté scientifique quant à l’origine organique et fossile du pétrole. Le fait que depuis des dizaines d’années on nous promet la fin prochaine de cette ressource sans jamais qu’elle se vérifie est un élément qui tendrait à confirmer cette théorie.
Néanmoins la pénurie pourrait poindre si la consommation se révélait être supérieure aux capacités de régénération. Cela expliquerait la déclaration du premier ministre français en exercice :
« Le pétrole est une ressource inépuisable qui va se faire de plus en plus rare25.
» Classée au rang des perles politiques, elle aura fait office de message à l'attention des certains en leur signalant par la même qu'il n'est pas dupe de la situation. Mais de là à inverser la situation en question par des prises de positions comme celles que je propose...
La menace de carence pétrolière que font peser les producteurs sur le marché en régulant l’exploration-production vient s’ajouter aux prévisions alarmistes de consommation mondiale d’énergie. Cette dernière devrait croître de 59 % d’ici à 2030 et se composer à 85 % d’énergie soit disant fossiles (pétrole, gaz et charbon) et épuisable. Mais si la théorie de Thomas Gold se révèle être vraie, le fait que l’industrie pétrolière soit mise en présence d’une ressource qui se renouvelle naturellement expliquerait pourquoi l’exploration-production ne fasse pas l’objet d’un traitement prioritaire. Cela expliquerait aussi que les économies d’énergie ne soient pas le résultat d’une prise de conscience et d’une nécessité vitale mais une justification pour insuffler l’idée d’un impôt mondial par le biais des quottas d’émissions polluantes prévus dans le protocole de Kyoto, et un alibi pour faire supporter à la population la dégradation de ses conditions de vie économiques et sociales. Toute la spéculation actuelle serait donc en majeure partie infondée à en croire cette théorie, et profiterait tout d’abord aux groupes pétroliers dont les marges explosent, tout en handicapant l’économie européenne si cette situation devait perdurer comme le soulignait récemment l’UNICE qui représente le patronat devant les instances européennes
26. L’espoir de voir se développer un jour les carburants alternatifs ou l’énergie libre
27 est alors remis en question, surtout lorsque l’on voit que la chape de plomb médiatique qui recouvre les affirmations de Thomas Gold étouffe aussi les travaux de
Nikola Tesla qui promettait une énergie gratuite et libre d’accès pour tous. Ce silence permet aux puissants lobby en place de profiter de leur situation dominante.
Avant longtemps, nos machines seront alimentées par une énergie disponible en tout point de l'univers. L'idée n'est pas nouvelle... Nous la trouvons dans le mythe d'Anthée, qui tire l'énergie de la Terre ; nous la trouvons parmi les spéculations subtiles de l’un de vos plus grands mathématiciens. A travers tout l'espace se trouve de l'énergie. Cette énergie est-elle statique ou cinétique ? Si elle est statique, nos espoirs sont vains ; si elle est cinétique - et nous savons qu'elle l'est - les hommes réussiront bientôt à connecter leurs machines aux rouages mêmes de la nature
28.
Nikola TESLA
Il y a ceux qui pensent que «
seule passe la mesure concrète, simple, immédiatement compréhensible. L’intelligence et la tolérance n’y trouvent pas toujours leur compte. Mais la réalité est ainsi faite…29». Mais l’idée simple est souvent le résultat d’une analyse simpliste, ou présentée comme telle pour être accessible au plus grand nombre, la majorité des résignés ou des submergés par le flot de désinformation.
Un projet digne de ce nom se doit de se construire sur une analyse objective, à l’écart de la désinformation ambiante, et dans l’optique de servir l’intérêt général, et non l’intérêt des généraux, et ce quelque soit les puissances impliquées, et la nature de leur pouvoir. Il ne s’agit pas de faire rentrer un projet dans un cadre prédéfini, comme le serait la nature des énergies à employer sur notre planète, la hauteur des déficits budgétaires autorisés, ou ceux des taux d’intérêts choisis par une intendance n’ayant aucune légitimité électorale. L’ambition est celle de faire un choix de société où la question des moyens n’est pas primordiale à celle de la fin.
On a la société que l’on mérite. Si cette société ne nous convient pas, nous devrions être une majorité à nous en plaindre puisque nous avons laissé faire. Mais la plainte n’est qu’un exutoire, en aucun cas une alternative. Un exposé comme celui qui précède permet d’ouvrir les yeux du citoyen qui, ainsi débarrassé des faux semblants, réalise que toutes les causes ne sont pas mortes, et que le futur de sa société dépend avant tout de son implication intellectuelle. La question qui reste posée est celle qui consiste à savoir jusqu’à quand la léthargie et l’ignorance populaire domineront la volonté de changer les choses et de se mobiliser pour défendre un projet.
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Sources :
1 Le retour des pétrodollars, Marine Royo,
Les Echos, lundi 13 septembre 2004.
2 Total engrange les profits malgrè une baisse de sa production,
Les Echos, vendredi 12 novembre 2004.
3 Le bénéfice net de BP bondit de 53 % au troisième trimestre, Myriam Chauvot,
Les Echos, mercredi 27 octobre 2004.
4 Plus de pétrole… au XXIIéme siècle, Jean-Marc Vittori,
Les Echos, mardi 5 octobre 2004.
5 Le parapétrolier profite de l’envolée des cours, Renaud Czarnes,
Les Echos, mardi 19 octobre 2004.
6 La Chine entre boom et crash, Françoise Crouïgneau,
Les Echos, vendredi 27 août 2004.
7 Quel choc pétrolier ?, Paul Fabra,
Les Echos, vendredi 22 octobre 2004.
8 Interview de Raghuram Rajan,
Les Echos, mardi 5 octobre 2004.
9 Professeur à l’université de Berkeley (Californie). Le jour du jugement dernier pour le dollar ?,
Les Echos, lundi 11 octobre 2004.
10 L’Asie, arbitre de la bataille entre l’euro et le dollar, Cyrille Lachèvre,
Les Echos, mardi 9 novembre 2004.
11 La Chine veut sécuriser ses approvisionnements de brut,
Les Echos, jeudi 26 août 2004.
12 L’industrie prise en étau entre la flambée des matière premières et les baisses des prix, Odile Esposito,
Les Echos, mardi 12 octobre 2004.
13 Il faut 1,063 fois plus de diester que de gazole et 1,523 fois plus d’éthanol que d’essence pour produire la même quantité d'énergie, nous rappel le député Alain Marleix dans son
Rapport d’information sur les biocarburants en date du 26 mai 2004.
14 Halte au dopage pétrolier de l’agriculture, Simon Charbonneau,
Les Echos, mardi 26 octobre 2004.
15 Sud Ouest, mardi 1er décembre 2004.
16 L’indice CRB (Commodity Research Bureau) qui agrège les cours de 17 produits de base s’est hissé à son plus haut niveau depuis plus de vingt-trois ans - La flambée des cours concerne aussi les matières premières,
Les Echos, mardi 12 octobre 2004.
17 Le Parlement russe ratifie le protocole de Kyoto,
Les Echos, vendredi 22 octobre 2004.
18 Lettre du mois d’octobre 2004 de l’URF (Union Routière de France) -
http://www.urf.asso.fr/presentation/lettres/urf_10_04.PDF .
19 Total engrange les profits malgré une baisse de sa production,
Les Echos, vendredi 12 novembre 2004.
20 Face à la hausse des cours, le G7 demande une meilleure transparence du marché pétrolier, Richard Hiault,
Les Echos, lundi 4 octobre 2004.
21 Selon une étude de l’IFP (Institut Français du Pétrole), le prix de revient des carburants pétrolier est environ de 0,21 €, alors que celui de l’éthanol est de 0,38 €. De plus, le coût de ce dernier reste sous évalué si l’on tient compte de sa puissance énergétique inférieure d’un tiers à son concurrent,
Sud Ouest, mardi 23 novembre 2004.
22 L’électroménager se retrouve en première ligne,
Les Echos, mardi 12 octobre 2004.
23 Transparency dénonce la corruption dans les pays producteurs de pétrole,
Les Echos, jeudi 21 octobre 2004.
24 Biographie de Thomas Gold en anglais :
http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2004/06/25/db2501.xml
25 Dominique de Villepin, dans Confidentiel PW par Paul Wermus, France Soir, Lundi 22 août 2005.
26 Les grands argentiers européens confrontés à la flambée des cours du pétrole, Jacques Docquiert,
Les Echos, jeudi 21 octobre 2004.
27 Pour obtenir de multiples informations sur l’énergie libre, consultez le site
http://quanthomme.org .
28 Cette citation est reprise et traduite dans l’ouvrage de Margaret Cheney,
TESLA, la passion d’inventer, aux éditions Belin .
Elle provient de l'article de Thomas Commerford Martin, « Inventions, Researches and Writings of Nikola Tesla », paru dans The Electrical Engineer, New York , 1894.
29 Nicolas Sarkozy,
Libre, 2001.