Si les vidéos d'ovnis déclassifiées n'étaient qu'une diversion savamment orchestrée ?

Tout a (re)commencé par ces fameuses images en noir et blanc qui ont circulé dans le domaine public sans autorisation en 2007 et 2017. Elles montrent des rencontres entre des pilotes de la Navy et des objets non identifiés (comme les vidéos "Tic Tac" où les manifestations ressemblent à une des petites dragées de la marque emblématique). Ensuite, le New York Times a révélé en décembre 2017 l'existence du programme secret du Pentagone, l'Advanced Aerospace Threat Identification Program (AATIP). Ce dernier enquêtait sur les UAP (unidentified anomalous phenomena) de 2007 à 2012, et potentiellement au-delà, selon certaines sources. L'article s'appuyait sur les témoignages de plusieurs personnes. D'abord Luis Elizondo qui est un ancien officier de contre-espionnage du Département de la Défense (DoD) des États-Unis. Ex-directeur de l'AATIP, il a quitté le DoD en 2017, frustré par le manque de transparence et d'action concernant les UAP. Ensuite, Harry Reid (1939-2021), sénateur du Nevada, qui avait mis en œuvre le programme avec les sénateurs Ted Stevens (1923-2010) et Daniel Inouye (1924-2012), en allouant 22 millions de dollars via un budget "black money" du Pentagone. Enfin, hormis d'autres sources anonymes au sein du DoD, nous avons Robert Bigelow, entrepreneur aérospatial et propriétaire de Bigelow Aerospace, qui a reçu une grande partie du financement de l'AATIP pour étudier les UAP.

Les révélations officielles

Elizondo a également facilité l'accès aux vidéos qui furent finalement déclassifiées par le Pentagone en 2020. L'article du New York Times a généré un intérêt médiatique massif et a incité des élus, comme le sénateur Harry Reid, à demander plus de transparence. Cette pression a conduit à des initiatives législatives, notamment dans le National Defense Authorization Act (NDAA) de 2020 et 2021, qui ont mandaté le Pentagone pour produire des rapports publics sur les UAP. Celui de juin 2021 recensait 144 cas d'UAP, dont 80 impliquant des capteurs multiples et 18 montrant des comportements inexpliqués (vitesse hypersonique, absence de propulsion visible). Ce rapport, bien que non conclusif, a amplifié l'intérêt du Congrès, menant directement aux auditions publiques qui eurent lieu en 2022 et 2023. Le point d'orgue fut le témoignage de David Grusch, un ancien officier du renseignement, qui a affirmé que le gouvernement américain détenait des engins d'origine "non humaine" et pilotait des programmes secrets de rétro-ingénierie. En 2022, l'All-domain Anomaly Resolution Office (AARO) fut créé pour enquêter sur les UAP. Il s'en suivit la publication de rapports, comme celui de novembre 2024, recensant 757 signalements entre mai 2023 et juin 2024, dont 21 cas nécessitant une analyse approfondie.

Alors je veux bien partager l'optimisme ambiant du milieu ufologique qui voit dans cette succession d'évènements les jalons d'une route qui nous mène tout droit vers la vérité. Mais pour cela, il faudrait que je fasse semblant de ne pas reconnaître ce qui s'apparente davantage à un circuit fermé. Quelles que soient les révélations orchestrées par le complexe militaro-gouvernemental au fil du temps, elles servent soit à justifier des investissements, soit à masquer d'autres réalités, soit les deux à la fois. Mais elles ont quasiment toujours ceci de commun : elles laissent l'ufologue s'agiter et par conséquent croire qu'il progresse alors qu'en réalité il fait du sur place tel un hamster dans sa roue.

Déjà, les tensions croissantes avec la Chine et la Russie, ainsi que la course aux technologies avancées (drones, hypersonique, IA), ont renforcé l'idée que les UAP pourraient être liés à des technologies adverses. Les auditions ont permis d'explorer cette hypothèse tout en maintenant l'attention sur les investissements dans la défense.

Hormis cet aspect des choses, des pans entiers de l'ufologie, comme les enlèvements extraterrestres, les artefacts récupérés après des atterrissages, les implants sur les contactés, les mutilations animales, voire les crop circle, sont désormais masqués par des Tic Tac. Ce sont des années de recherches et d'histoire de l'ufologie qui sont délaissées au profit de récents témoignages. Dorénavant on préfère Elizondo à J. Allen Hynek, David Grusch à Eddie Bullard, Robert Bigelow à John E. Mack, et Baptiste Friscourt ou Michael Vaillant à Jacques Vallée.

Le piège du narratif dominant

Pourtant toute cette culture est bien utile lorsqu'il s'agit de ne pas se faire rouler dans la farine pour la énième fois. Elle évite de gober le Tic Tac en marquant un temps d'arrêt salutaire pour permettre de distinguer l'image, sa sortie opportuniste, et le narratif qui l'entoure.  Sans même avoir besoin de dépoussiérer nos archives ou de chiner dans une brocante pour redécouvrir les enseignements (bien utiles à certains aujourd'hui) de « Révélations1 » sur le sujet, le rapport du Pentagone de 2025 admet que des rumeurs d'ovnis ont été intentionnellement alimentées pour masquer des programmes militaires secrets, comme dans les années 1980 près de la Zone 51 (opération "Yankee Blue")2. Un exemple parmi tant d'autres pour lesquels ils ne manquent que les aveux de l'oncle Sam afin d'officialiser la fin d'une de ses nombreuses blagues. Les pseudo-révélations récentes ont largement éclipsé des cas d'ovnis historiques, tels que l'incident de Roswell (1947), les observations du projet Blue Book (1947-1969, avec 12 618 signalements), ou des manifestations d'ampleur (par exemple, les vagues d'observations en France dans les années 1950-1970). Les discussions actuelles se concentrent sur les UAP comme des phénomènes technologiques ou de sécurité nationale, reléguant les récits d'ovni plus spéculatifs (impliquant des extraterrestres) au second plan. Seule la novlangue était en mesure d'opacifier des faits qui persistent en dissimulant les ovnis derrière les UAP.

Car pendant que ce théâtre d'ombres focalise l'opinion, les enlèvements extraterrestres, plus communément appelés abductions, se poursuivent dans un climat où la plus grande discrétion rivalise avec une indifférence généralisée3. Et les signalements d'ovnis ne sont pas en reste, lorsque l'on est réceptif à ce que constatent les citoyens qui lèvent le nez de leurs écrans et s'émancipent de leur quotidien. C'est ainsi qu'un pic notable est apparu en 2020, attribué aux confinements liés à la pandémie de COVID-19 qui ont incité les gens à observer le ciel plus souvent4. Si cela prouve une chose, c'est qu'il convient d'avancer avec une grande prudence quand on s'aventure dans des déductions statistiques, tant elles peuvent être l'objet de nombreux biais d'interprétations. Notamment si les conclusions poussent certains5 à penser que la prochaine vague d'observations « sera en 2035 », ce qui les place en résonnance avec d'autres6 qui affirment que « les Elohim ont prévu de revenir sur Terre aux environs de 2035 »…

Vers une nouvelle ufologie

Cependant, la rediffusion d'une série bien connue des ufologues, celle qui commence par une image provenant d'une source militaire, accompagnée de révélations tonitruantes qui finalement occupent la galerie, mais ne font pas avancer le schmilblick, ne doit pas nous empêcher pas de continuer, voire de reprendre, la recherche ufologique là où elle pataugeait depuis ce nouveau siècle. Et ce, quitte à ce que les hypothèses formulées s'avèrent fallacieuses dans ce domaine singulier où l'objet d'étude est particulièrement insaisissable. C'est dans cette perspective que j'ai rédigé mon premier ouvrage sur le sujet. Cet essai intitulé L'hypothèse interdite a pour ambition de relancer la recherche ufologique, de proposer une explication qui s'appuie sur une démarche pluridisciplinaire, et de réaliser à quoi nous avons affaire. S'il se plie à la mode dystopique, c'est de manière tout à fait involontaire, car il s'agit davantage d'un appel au sursaut et à la prise de conscience. L'hypothèse interdite s'attaque à la résolution du mystère en faisant l'inventaire de ce qu'il nous manque une fois que les rencontres rapprochées ont eu lieu. De ce constat, je vous propose un détour dans le passé, époque où l'ovni était moins élusif, en vous accompagnant dans une relecture de l'histoire, de la mythologie, et de l'archéologie pour tenter d'interpréter le présent. L'aspect sacrificiel des enlèvements et l'approche entomologique sur leurs instigateurs donnent une nouvelle perspective au projet des visiteurs. Basé sur plusieurs domaines de compétence et des études officielles, ce travail appuyé sur plus de 290 sources confère au projet extraterrestre une dimension inquiétante pour le devenir de l'humanité. Les abductions sont documentées par ceux qui en sont victimes et nombre de spécialistes de la santé mentale qui ont examiné le sujet, comme John E. Mack. L'étude que j'ai réalisée accumule des éléments qui inscrivent les enlèvements dans un projet millénaire. À ce titre, ils devraient davantage mobiliser l'opinion que des Tic Tac volants qui ne font de mal à personne, et nous devrions œuvrer de tous les moyens pour nous y opposer avant qu'il ne soit trop tard. Il est temps de reprendre les rênes de l'ufologie, en s'appuyant sur son héritage pour poser les bonnes questions en mettant en sourdine le Tic Tac de la distraction, voire de la diversion.

Cet article s'inscrit dans la continuité des réflexions développées sur conspiration.org, et L'hypothèse interdite propose d'aller plus loin en explorant ces questions sous un angle inédit. La sortie en version papier de L'hypothèse interdite est prévue le 23 août 2025. Mais d'ores et déjà, les précommandes des versions Kindle en français et en anglais sont accessibles sur Amazon. Les accès au livre étant différents selon les pays, tapez "L'hypothèse interdite" ou "The forbidden hypothesis" dans la barre de recherche de votre site Amazon habituel.

Article mis en ligne le 18 juillet 2025.