Désinformation
« S'informer fatigue, et c'est à ce prix que le citoyen acquiert le droit de participer intelligemment à la vie démocratique. »
IGNACIO RAMONET,
Le Monde Diplomatique, Octobre 1993, page
28
La désinformation est le plus dangereux des maux pour la démocratie, à notre époque, où la vie est rythmée par les médias. L'information délivrée rapidement au journal de 13H00, (une vingtaine de brèves par journal) sera peut-être démentie au journal de 20H00. Cette réalité virtuelle, réalité de l'instant, ne permet pas une compréhension de l'événement dans sa globalité. Elle nous fournit une image, une information que nous nous devons de compiler avec les images et les informations déjà reçues par le passé. De ces brides informationnelles empilées les unes aux autres nous tirons notre connaissance du monde.
Cette connaissance nous paraît d'une vérité irréfutable puisque les images étaient là pour appuyer l'information. Plus il y aura eu d'image pour traiter un sujet, plus ce dernier prendra de l'importance et moins sa véracité pourra être remise en question. Les pouvoirs politiques, et même les lobby industriels s'appuient sur ce raisonnement pour manipuler l'opinion.
Si l'on veut qu'un conflit, gênant certains intérêts, cesse dans une partie du monde, on ferra en sorte de mobiliser l'opinion sur une guerre " particulièrement " meurtrière, ou sur des graves conséquences écologiques grâce à des images chocs, même si celles-ci ne font pas tout à fait partie du péril en question (polémique au sujet de l'image d'un cormoran englué de pétrole, victime supposée des destructions systématiques de puits Koweïtiens par les armées Irakiennes fuyant le Golfe, et qui était en fait une archive d'une catastrophe pétrolière Bretonne...).
Si l'on veut étouffer un événement, une information, on s'arrange pour qu'il n'y est pas d'image relatant les faits.
Actuellement, il est impossible de se procurer les photos satellite de la C.I.A. au niveau de l'endroit où a eu lieu l'explosion du vol T.W.A. 800 le 17 juillet 1996, celle-ci s'abritant derrière une directive présidentielle.
Ou alors on s'arrange pour que les médias diffusent au monde entier ce que l'on a envie qu'il voie. Et " on ", c'est le patron d'un grand restaurant qui orientera le cameraman d'une télévision de sorte que l'objectif ne croise pas inopinément le chemin d'un cafard, c'est les militaires qui, particulièrement lors de la guerre du Golfe, font en sorte de présenter une guerre propre et sans bavure à la face du monde, c'est tout ceux que l'on pourrait appeler dans un langage UFOlogique les " débunker " de l'information.
Trois grandes agences de presse domine le milieu informationnel mondial: A.P., Reuter et l'A.F.P... Elles sont situées aux États Unis et en Europe de l'ouest. Cette vision centralisée du monde donne un reflet déformé par notre mode de pensé occidental des événements traités. Nous imposons cette façon de penser minoritaire (par le nombre de personne la partageant) à la totalité du globe grâce à la puissance médiatique des agences citées ci-dessus. De plus, ceux qui paient le plus pour les services de ces agences seraient surpris de découvrir des informations n'allant pas dans le sens de ce qu'ils pensent être l'unique voie possible pour l'avenir de l'humanité : le libéralisme.
La société de consommation, résultat et poumon du libéralisme, étale ostensiblement ses avantages par des spots de pub ventant les mérites de produits toujours plus performants, alors que le sujet des reportages entrecoupés par ces spots sont la pauvreté, la guerre, la famine. Ce contraste saisissant entre le bien-être dont nous jouissons et le malheur qu'il règne ailleurs renforce le côté paradisiaque de notre société. Mais à trop voir le monde par le petit écran, à trop tenter de le comprendre par une soi-disant information qui nous apporte, en fait, le contraire de ce que nous attendions d'elle sans que nous nous en rendions toujours compte, c'est-à-dire de la désinformation, résultant de la sur-information ou de la sous-information, nous nous retrouvons en tête à tête avec une réalité virtuelle.
Si nous voulons appréhender plus justement le monde, si nous voulons avoir une connaissance juste et vraie de ce qui s'y passe, il faut surfer sur le monceau d'information qui nous arrive quotidiennement, s'attacher aux faits, tenter ses propres analyses lors que l'on pense avoir une connaissance suffisante du sujet, et chercher soi-même les réponses aux questions qui en découleront.
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