Meyssan, maladroit ou manipulé ?
Le livre de Thierry Meyssan, L'Effroyable Imposture, invite le lecteur à faire confiance à notre propre esprit critique, et ne prétend pas être une « vérité définitive ». Il soulève plusieurs questions autour des attentats du 11 septembre dernier, et, en cela, il mériterait d'être lu par tous. Bien sûr il comporte quelques fissures dans lesquelles n'ont pas manqué de se glisser des personnes qui pensent être des journalistes professionnels. C'est donc en amateur que je suis, et que je préfère rester pour ne pas risquer de me fourvoyer dans cette cabale injuste, que je vais tenter de rétablir objectivement la situation.
Lecture intégrale obligatoire
Il faut dire que Meyssan donne
le bâton pour se faire battre.
Le premier chapitre de son livre commence par démontrer qu’en
fait, aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagon.
Mais cette thèse (à laquelle je ne me rattache même
pas moi-même, c’est vous dire…) ne se contente pas d’être
difficilement acceptable en tant que tel, elle est contenue dans
une explication qui elle-même comporte des erreurs. Pour qu’une
théorie de conspiration soit vraisemblable, il faut au moins
que les éléments qui la composent soient inébranlables,
que les arguments soient indiscutables, et que la tournure des phrases
ne soit pas sujette à discussion. Sinon, plutôt que de
s’en tenir au fond et à l’idée générale,
les critiques ne manqueront pas de s’attaquer à la forme, sabotant
ainsi tout le travail dans son ensemble. Bien que nous allons être
amené à nous arrêter sur quelques-uns de ces points,
puisque ce sont ceux la qui sont à l’origine de la contestation,
il serait dommage pour le lecteur du livre de ne pas dépasser
cette écueil déstabilisant que représente le premier
chapitre. A en voir les commentaires dans la presse, c’est cette attitude
qui a du être adoptée par la majorité des pamphlétaires.
En effet, pour moi, tout l’intérêt de l’ouvrage réside
après ce premier chapitre.
Le premier chapitre – objet de polémiques
On peut lire à la page 17 que «
les terroristes ont choisi de frapper une façade, bien
que sa hauteur ne soit que de 24 mètres ». L’auteur
s’étonne par la même que les terroristes n’aient pas
piqué sur le toit du Pentagon, ce qui aurait été
plus simple puisque la surface est plus importante et la manœuvre
plus facile. Seulement il n’est évoqué aucune part
que les terroristes n’ont peut-être pas « choisis »
de frapper cette façade, mais ont peut-être effectué
une fausse manœuvre qui a eu pour conséquence de leur faire
rater en partie leur objectif. Ce qui est décrit par Meyssan
comme un choix est peut-être tout simplement le fruit du hasard.
L’avion, si c’est un avion, s’est encastré dans la façade,
comme il aurait pu tomber sur la pelouse plus en avant, ou carrément
en plein milieu du bâtiment.
Un peu plus loin, on note une erreur dont il s’excusera après la publication du livre
1. Il est écrit que le train d’atterrissage sort automatiquement
au-dessous d’une certaine altitude, alors qu’il s’avère
qu’aucun avion de ligne n’est équipé de ce système.
Ensuite on assiste à une tentative
de démonstration de l’impossibilité pour un avion
de cette taille de ne détruire que le premier anneau de la construction
hexagonale. Cette démonstration est appuyée par un
photomontage montrant l’avion à moitié encastré
dans le bâtiment. En fait, l’auteur tente de reproduire de
façon statique une catastrophe dans laquelle le mouvement,
la masse et le carburant interviennent forcément. Meyssan essaie
de faire rentrer l’avion modélisé dans le trou qui
apparaît sur la photographie du bâtiment, comme on glisserait
une main dans un gant.
C’est à se demander si l’impact du
direct lors de la retransmission des images de l’attentat sur les
tours jumelles, et leur ressassement par de nombreux médias
télévisuels, n’a pas pollué sa réflexion. On
constatait à cette occasion avec surprise que l’avion était
comme avalé par l’édifice. Et il est vrai que, dans
ce cas, on pouvait prendre une modélisation de l'appareil,
la superposer à l’impact, et constater que celle-ci correspondait
exactement. Seulement la structure du Pentagon n’est pas la même
que celle du World Trade Center. Le Pentagon est un bâtiment
classique, mis à part sa forme, dont les structures porteuses
sont autant extérieures que centrales. Les Twin Towers sont
supportées par des poutrelles métalliques regroupées
au centre de chaque construction, ce qui explique la pénétration
aisée des avions dans la façade et l’empreinte qu’ils
y laissent, jusqu’au moment de l’effondrement.
Chez
Ardisson2, dans l’émission qui a amplifié la polémique, l’animateur affirme que le kérosène n’explose pas
lorsqu’il présente un film montrant seulement une explosion
qui est censée être celle de l’avion, après qu’il se
soit écrasé sur le Pentagon. Seulement la pulvérisation
du carburant lors de l’impact peut entraîner une explosion
au contact d’une source de chaleur, comme un réacteur, par
exemple. Le seul souvenir des boules de feu qui accompagnaient le
crash des deux appareils dans le World Trade Center aurait pu permettre
d’éviter cette remarque qui ne fait qu’accroître la
fragilité de la démonstration. De plus il est assez
difficile de faire la différence entre une explosion et l’embrasement
d’une quantité considérable de kérosène à
la vue du seul document vidéo présenté.
Il est aussi indiqué à la
page 21 que «
le fuselage d’un Boeing est dans une
matière comparable à la carrosserie d’une voiture ou d’un camion
», ce qui fait se demander à l’auteur où
est passée l’épave. Au crédit de Meyssan, on
notera le souci d’exactitude inutile du magazine Entrevue
3 qui précise la température d’évaporation de l’aluminium (3000 °c), et non sa température de fusion.
Si les enquêteurs d’Entrevue avaient pris la peine de faire
quelques recherches, ils auraient constaté qu’un avion n’est
pas composé d’aluminium, mais d’alliage d’aluminium. Ce détail
est important car il conditionne la température de fusion
de l’aluminium, et donc de son évaporation. Ils se seraient
également aperçus que les températures atteignent
déjà rarement les 2200 °F (1200°c) dans ce genre
de catastrophe
4. Donc quel est l’intérêt pour la compréhension
des évènements de stipuler un élément inutile ?
A la page 31, il est noté «
qu’il est plus facile de passer au contrôle des aéroports
avec des pistolets adaptés qu’avec des cutters ».
Pourtant le samedi 3 novembre 2001, c’est-à-dire deux mois
après les attentats, un homme passe les contrôles
à l'aéroport de Chicago et parvient au pied de la
passerelle d'embarquement avec sept couteaux, un pistolet paralysant
et une bombe lacrymogène dans son bagage à main
5.
Rétractation
En fin de chapitre, une autre hypothèse
est soulevée. La chute des Twin Towers n’aurait pour objet
que de détourner l’attention du véritable objectif
qui se trouve être le bâtiment n°7. Ce dernier, dont certains
étages auraient été en feu (voir photo ci-dessous),
et qui s’est écroulé alors qu’il n’avait pas été
touché directement, masquait une base de la CIA qui consacrait
ses activités à l’espionnage économique.
On peut retenir cet élément
en mémoire quand on s’intéresse à la démonstration
de Meyssan qui tente d’attribuer la chute des tours à des
causes supplémentaires que la seule percussion des avions
et à l’embrasement qui suivit. L’auteur fait état
de témoignages de pompiers qui disent avoir entendu des explosions,
et il cite
Van Romero qui « assure
que l’effondrement ne peut avoir été causé
que par des explosifs ». J’avais moi-même cité
le
témoignage de cet expert
, dont les déclarations sont maintenant précédées,
sur le site qui les héberge, d’un texte laconique qui explique
un revirement qui peut paraître étonnant à
première vue
6. Mais
Van Romero s’est trouvé
être, suite à ses déclarations, l’objet d’un
harcèlement de la part des «
conspirationistes ».
N’ayant pas eu pour intention première de soupçonner
certaines administrations de l’Etat américain d’une quelconque
manipulation, on peut comprendre qu’il ait préféré
abandonner sa démonstration pour préserver sa tranquillité,
sa carrière, et peut-être même sa vie.
Si la destruction du World Trade Center
sert à cacher l’anéantissement d’un bâtiment
annexe, il me semble que les moyens employés sont légèrement
disproportionnés, mais quand on connaît la véritable
histoire de Pearl Harbour, on ne s’étonne plus de rien.
Pearl Harbour
Il se trouve que la référence
à Pearl Harbour revient à plusieurs reprises dans
l’ouvrage de Meyssan, et ce dans les déclarations de différents
responsables américains de haut rang. Ce n’est pas un hasard
quand on sait, grâce à l’application de la loi sur
la liberté d’information en vigueur aux Etats Unis, que Pearl
Harbour n’était pas une agression surprise et déloyale
qui entraîna malgré eux les Américains dans la Seconde
Guerre mondiale. Pour
Roosevelt
il ne s’agissait que du sacrifice de vieux navires (et de leur
équipage) et du «
prix à payer
» pour faire accepter la guerre à une opinion publique
jusque là isolationniste
7. Pourquoi la même logique ne serait pas rentrée
en application au sujet des évènements du 11 septembre ?
Pourquoi ce que l’on considère aujourd’hui comme une agression
extérieure ne serait pas un prétexte provoqué par
ceux la même qui s’en servent aujourd’hui pour justifier leur
politique et la
guerre contre l’Axe du Mal.
A la page 69, on peut lire un extrait d’une
publication d’
Henry Kissinger
, dont on connaît la position dans la pyramide du pouvoir
occulte, et qui ne peut pas ignorer la véritable histoire de Pearl
Harbour : « Le gouvernement devrait se voir confier
la mission d’apporter une réponse systématique qui
aboutira, on l’espère, au même résultat qui suivit
l’attaque de Pearl Harbor (…) ». A lire entre les lignes…
Mais aujourd’hui, à l’America’s
Freedom of Information Act (loi sur la liberté d’information)
s’oppose l’US Patriot Act qui limite de nombreuses libertés,
s’arroge de nombreux droits, et est pris en exemple par certains
aspects par de nombreux pays à travers le monde, et ce au
nom de la lutte contre le terrorisme.
La collusion médiatique
Il est vrai qu’en France nous n’avons pas
besoin de l’US Patriot Act pour faire taire ceux qui ne
sont pas en accord avec le concert médiatique. Les hypothèses
que présente Meyssan sont soigneusement écartées par
les médias qui commentent son ouvrage. A dire vrai ce sont
les hypothèses du premier chapitre qui sont généralement
écartées, car elles sont du pain béni pour
tous ceux qui ne supportent pas de se remettre en question. Mais
moins nombreux sont ceux qui parlent du reste. La raison en est simple :
on ne peut pas remettre en cause les éléments qui
y sont présentés, à moins de suivre un schéma
de pensée qui n’a pour but de retenir que ce qui va dans
le sens de l’explication recherchée, même si elle ne correspond
pas à la vérité. Disons que, pour résumer,
les critiques appliquent à l’ensemble du livre une façon
de comprendre les évènements qu’ils dénoncent
quand c’est Meyssan qui s’en sert dans le premier chapitre. Ces éléments
forment pourtant un assemblage logique qui pourrait amener la nomenklatura
intellectuelle, si elle faisait preuve d’honnêteté,
sinon à admettre qu’elle aient éventuellement pu
se tromper dans son analyse, au moins à reconnaître
la nature troublante de plusieurs évidences.
La fin de l’éditorial de Le Monde
du 20 mars 2002 est rédigée en ces termes :
«
L'information est un travail, avec ses règles, ses
apprentissages, ses vérifications. Grâce à
la liberté qu'offre le Net, certains croient pouvoir s'en
émanciper et propager le faux sans rencontrer les obstacles
professionnels, déontologiques ou commerciaux qui sont ceux des
autres médias. S'ils se font ainsi une notoriété,
c'est hélas au détriment de la liberté, qu'ils
discréditent, et de la démocratie, qu'ils rabaissent
à un jeu d'ombres où le complot serait partout et la vérité
nulle part. » Il est vrai qu’en termes d’inexactitude
ce journal sait de quoi il parle puisque c’est lui qui nous a sorti
le scoop de la cagnotte de 66 milliards de francs, alors que ce
chiffre censé représenté l’excédent des recettes
fiscales devait être finalement être amputé
de 42 milliards pour être ramené à sa juste
valeur. C’est aussi lui qui a annoncé en novembre 1996 une
mise en examen dont l’objet était erroné, ce qui lui a valu
une condamnation en première instance pour diffamation
8. Mais dans ces informations il y avait à chaque fois un
fond de vérité, alors plutôt que de se traiter
mutuellement de menteur, nous ferions mieux d’éviter les
«
partis pris subjectifs » et que ceux qui
ont les moyens et l’indépendance nécessaires mènent
des investigations pour éviter que l’on ne se retrouve face
à une deuxième affaire Kennedy.
Et là encore
9
Daniel Schneidermann tente de déceler des subterfuges terminologiques en relevant
les adverbes employés par le présentateur, trahissant
la prudence de son engagement, et qui dont les sujets évoqués
dans l’émission ne visent qu’à conforter « ses
taux d'audience ». Le chroniqueur conclue par ces mots : «
Courir après les "un peu"
et les "peut-être"
d'Ardisson, il faudrait créer un journal
exprès pour cela. Pourquoi pas ? On pourrait l'appeler, par
exemple, Entrevue. » Manque de chance, le numéro
du mois d’avril d’Entrevue démonte lui aussi le premier chapitre
du livre de Meyssan. Les a priori coupent court à tout débat
dans un milieu où, en plus d’attribuer des étiquettes
de bonne conduite, les faiseurs d’opinion se permettent de dénoncer
chez les autres une course aux bénéfices à laquelle
il n’hésite pas à participer quand l’occasion se présente,
comme ce fut le cas lors de
Loft Story...
Dans Libération du 30 mars on peut
lire un article un article intitulé : « Pourquoi
la démonstration de Meyssan est cousue de très gros
fils blancs ». Quand l’auteur de l’article nous
parle des « 235 pages (plutôt fastidieuses)
», on se dit qu’enfin, on va avoir l’avis de quelqu’un
qui a réellement lu le livre. On poursuit donc la lecture avec
avidité et on égrène les points abordés
par le journaliste (?) qui selon lui pose problème
:
- il n'y avait pas d'avion, car il existe peu de témoignages et ils sont contradictoires,
- il n'y avait pas d'avion, car il n'y avait pas de débris,
- il n'y avait pas d'avion, car il existe très peu d'images,
- il n'y a pas eu d'avion, car on ne sait rien des passagers.
Des paragraphes explicatifs suivent chacun
de ces points qui ont tous trait au premier chapitre du livre,
et ensuite, pour finir, l’auteur de l’article nous renvoi sur internet
en nous indiquant l’adresse de sites pour « juger
de la crédibilité de L'effroyable imposture ».
Pour ma part j’ai du mal à juger de la crédibilité
d’un polémiste qui ne s’attache qu’au premier chapitre d’un
livre. Et je ne ferai même pas l’honneur
de citer les critiques qui apparemment résument l'oeuvre
de Meyssan au chapitre précédemment évoqué puisqu'il
la qualifie de « négationniste ».
Ce terme est généralement employé par des
contradicteurs à court d'arguments car il a pour avantage
de couper court à toute discussion, étant donné la
radicalité de ses connotations historiques.
J’ai été injuste au sujet des propos de Daniel
Schneidermann que j’ai repris un peu plus haut. La mode du «
un peu » est contagieuse. Nous sommes bien forcés
de constater que, de nos jours, les critiques lisent «
un peu » les livres…
Même si l’on ne retient pas le premier
chapitre, et que l’on s’en tienne à la thèse officielle
qui veut qu’un avion se soit effectivement écrasé
sur le Pentagon, il n’en reste pas moins des interrogations, que je n’ai
pas abordé ici, qui demeurent sans réponses, et qui
font la richesse de tout le reste de l’ouvrage. Mais comme dans
tous les domaines où intervient l’inexpliqué, on préfère
ignorer, voir même tourner en ridicule les réflexions
de ceux qui s’interrogent, plutôt que de tenter de répondre
aux questions qu’ils soulèvent en effectuant un véritable
travail d’investigation.
Une question reste en suspend devant cette
entreprise de dénigrement. Thierry Meyssan affiche son appartenance
à la franc-maçonnerie et ne cache pas être l'une
des sources de l'ouvrage
Les Frères Invisibles de Ghislaine
Ottenheimer et Renaud Lecadre
10. Son travail commence par un chapitre qui, comme nous l’avons
vu, remet en cause toute la crédibilité de son travail.
Etant donné que c’est le premier du genre qui voit le jour
en dehors d’Internet sur ce sujet, il fait peser le doute sur tout
ceux qui, avant lui, évoquaient l’hypothèse dérangeante
d’un complot au sujet des évènements du 11 septembre. On peut
alors se demander si certaines de ses relations initiées
n’ont pas influencé son travail, et plus particulièrement
son histoire d’avion fantôme, tout d’abord pour rendre ses
conjectures irrecevables, mais également pour tourner en
ridicule tout ceux qui pourraient émettre un avis contraire
à celui de la version officielle.
Alors Thierry Meyssan a-t-il été
l’objet d’une manipulation ?
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Sources :
1 Entrevue, n°117, avril 2002
2 Tout le monde en parle, 16 mars 2002, France 2.
3 Entrevue, n°117, avril 2002
4 http://web.archive.org/web/20100911234801/
http://www.radio-canada.ca/tv/decouverte/reportage/wtc.html et http://www.rumormillnews.net/cgi-bin/config.pl?read=13104
5 La sécurité aérienne toujours en question, Francis Temman, Agence France-Presse, Washington à l’adresse http://web.archive.org/web/20020526050603/
http://www.cyberpresse.ca/reseau/monde/0111/mon_101110033032.html
6 www.abqjournal.com
7 Aventure de l’histoire et de la Mer, Pearl Harbour, n°1.
8 Médias, n°1, Avril-Mai 2002.
9 La chronique de Daniel Schneidermann, Ardissonneries, Le Monde, 29 mars 2002.
10 Thierry Meyssan : de la lutte contre la calotte à la politique mondiale, Nicolas Weill, Le Monde, 20 mars 2002.