11 septembre :
A qui profite
ce crime ?
CNN, non stop...
On revoit indéfiniment ces avions s'encastrer dans ces gratte-ciel, on entend
les témoignages des membres des familles contactées par leurs proches quelques
secondes avant qu'ils ne passent de vie à trépas, on nous dit que le temps
n'est pas à la réflexion quant à savoir « pourquoi », mais au recueillement,
qu'il n'est pas non plus aux tergiversations quand à savoir « qui »
mais à l'action. Mais le travail des journalistes consiste à présenter des données
factuelles, et non pas, comme il a été fait jusqu'à présent, à dérouler un
énoncé émotionnel.
Ahmed Shah Massoud
Aussi consternant que soit l'événement, une fuite en avant dans la violence
a de forte chance d'avoir les mêmes effets que cet acte terroriste, c'est-à-dire
ôter la vie à des innocents. Il y a fort à parier que le tamis médiatique qui
filtrera l'intervention imminente des Etats-Unis dans le pays censé héberger
celui qui n'est encore qu'un suspect ne retiendra plus, ce coup-ci, le côté
dramatique de la situation. Nous allons assister à une guerre propre, comme
celle du Golfe. Quelques années plus tard nous nous apercevrons que cette guerre
n'a pas été si propre que ça, et encore un peu plus tard nous apprendrons
que l'embargo que nous avons infligé au pays rebelle à l'américanisation des
modes de vie, plutôt que d'abattre la dictature, l'a renforcée. Par contre,
des gens qui connaissent le milieu puisqu'ils y évoluent, et qui sont capables
d'une véritable action organisée de l'intérieur, comme l'était
Massoud,
ne sont pas soutenus
1.
Je vois déjà se
pointer sur moi le doigt inquisiteur de ceux qui ne pensent qu'à ce que
justice soit faite et que le « bon » parte en guerre contre le
« mauvais ». Si les médias ne nous donnaient pas une vision biaisée
du monde, mais consacraient, par exemple, un temps d'antenne proportionnel au
nombre de morts occasionnés par des évènements directs ou induits (attentats,
mais aussi famines dues aux conditions climatiques ou aux embargos, accidents,
catastrophes naturelles, multiples conflits à travers le monde, etc. ), la
tragédie du World Trade Center ne nous aurait pas plus marquée que le sort des
enfants Irakiens, puisque ces derniers meurent dans la même proportion. tous
les mois
2.
Mais le battage médiatique et l'identification à une société qui ressemble
à la nôtre nous empêchent d'avoir un regard rationnel sur la situation. Il
ne s'agit pas de justifier l'action de la grande faucheuse, mais de réaliser
que ceux qui tiennent le manche sont dans les deux camps. Il ne s'agit pas de
Talibaniser la société, sous condition que ces attentats aient cette origine,
mais de rester vigilant quand les responsables américains revêtent le costume
du « bon » et, de plus, se font les garants de la « liberté ».
Et nous continuerons
d'avancer pour défendre la liberté et tout ce qui est bon et juste dans notre
monde.
Déclaration télévisée de
George W. Bush
depuis le Bureau Ovale de la Maison Blanche,
mardi 11 septembre
2001.
Le 11 septembre 2001, aussi
tragique qu'il puisse être, ne doit pas nous faire oublier les débats qui
lui précédaient. Ce qui paraît « bon » aux Etats-Unis, à savoir
les aliments transgéniques, le refus de se conformer aux accords internationaux
pour lutter contre la pollution, la libéralisation et la déréglementation qui
l'accompagnent, alimentait la controverse de ce côté-ci de l'Atlantique. Une
puissance où la suprématie d'organismes comme l'OMC, le FMI et la Banque
mondial qui y siègent, et les systèmes d'espionnages comme Echelon, chapeautés
par la NSA, qui bien que capables de percer les secrets de notre intimité ne
servent apparemment pas à grand-chose en cas d'agression terroriste, nous
laisse tout de même quelque peu sceptique lorsqu'elle vient nous parler de
« liberté ».
Les services de sécurité
de la superpuissance américaine ont été pris de court mardi par des attentats
d'une ampleur et d'une coordination inégalées, selon des experts qui pointent
du doigt, sans preuves à ce stade, Oussama ben Laden.
AFP, mardi 11 septembre 2001, 21h14
N'oublions pas non plus le
procès que nous faisions à la presse de notre pays lorsqu'elle condamnait
par anticipation des hommes politiques qui étaient juste mis en examen au
sujet de telle ou telle affaire. Je n'entends personne s'élever contre les
accusations sans preuves de l'ensemble des services secrets à
l'encontre de
Ben Laden qui déclare : «
Je réside en
Afghanistan. J'ai prêté un serment d'allégeance (au guide suprême des
taliban Mollah Mohammad Omar)
qui ne me permet pas d'entreprendre de telles
actions à partir de l'Afghanistan »
3.
Vu l'incapacité de ces mêmes services à prévenir la catastrophe, et les
erreurs passées du pays inquisiteur
4,
il serait tout de même judicieux de relativiser des déclarations arrogantes et
infondées qui risquent plus de nous mener vers une troisième guerre mondiale
que de résoudre le problème du terrorisme.
L'entêtement impérialiste
de la victime actuelle du monde occidental ne souffre d'aucune remise en
question. Que les remontrances soient diplomatiques ou terroristes, nous avons là
une super puissance convaincue de détenir la lumière qui va éclairer
l'humanité tout entière sur le chemin du progrès.
Dick Cheney, George W. Bush, Colin Powell, Donald
Rumsfeld à Camp David.
L'avenir
sera fait d'américanophiles, ou ne sera pas. Tous les moyens sont bons pour
arriver à cette fin, des procès de l'OMC
5 au
lobbying des institutions européennes, des opérations scabreuses de la CIA
6
aux douteux premiers pas sur la lune
7.
Le mode de vie des sociétés occidentales de par la réglementation, ou plutôt
la déréglementation croissante dans le monde du travail, et de par le relâchement
du rôle social de l'Etat et l'éloignement des responsables à des niveaux où
les fondations républicaines n'ont plus d'influences,
la culture ou bien même la nourriture ont une fâcheuse tendance à se
rapprocher du modèle outre atlantique. Et tout ça pour accroître une rentabilité
qui ne profite pas à la majorité de ceux qui en sont à l'origine ! Etant
donné que les mêmes causes engendrent souvent les mêmes effets,
notre
territoire voit la violence augmenter, la population se précariser insidieusement,
et surtout nos esprit être vampirisés par celui de l'oncle Sam.
Le souffle de l'effondrement des tours
jumelles ne doit pas balayer la dénonciation de la doctrine délétère américaine
dont nous étions de plus en plus nombreux à prendre conscience avant
l'attentat.
Bien que l'énormité de l'événement ait tendance à nous tétaniser,
la raison doit rapidement reprendre le dessus. Si nous devons nous préparer à
un conflit mondial, sachons d'abord définir pour quel modèle de société
nous désirons nous battre. Nous devons éliminer le terrorisme en faisant en
sorte qu'il ne trouve plus de raison d'être. Le fait de se ranger derrière
la bannière étoilée pour frapper un ennemi improbable représente plus de
risques que d'avantages pour l'équilibre mondial, et nous fait nous
positionner pour un modèle de société que dans l'ensemble nous ne
souhaitons pas voir débarquer.
Le 11 septembre n'a fait
que modifier la comptabilité macabre qui oppose l'intégrisme à l'impérialisme.
La manipulation de nos sentiments par la sélectivité informationnelle ne doit
pas nous amener à choisir entre deux extrémismes.
Tout être ayant
un minimum d'intelligence (et il y en faut pour organiser un tel massacre,
même si c'est une intelligence d'ordre diabolique) se doute bien que l'on
n'attaque pas impunément les Etats-Unis et que la vengeance sera disproportionnée
comparativement à une agression qui est déjà démesurée. De plus nous vivons
dans une société où l'image est reine, et le déroulement des attaques
était tel qu'au moins un des deux attentats sur le World Trade Center
ne pouvait pas échapper aux caméras. Ceux qui ont perpétré cette tragédie
savaient non seulement que les images feraient le tour du monde, mais
aussi que ceux que l'on accuserait seraient portés à la vindicte populaire,
aucune cause ne pouvant justifier çà.
Quels intérêts auraient les intégristes musulmans, minoritaires au sein
de leur religion, à se mettre le monde à dos ?
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Sources :
1 afgha.net
2 @Forum, Université de Montréal,
3 Reuters, dimanche 16 septembre 2001, 11h56
4 WASHINGTON AU-DESSUS DU DROIT INTERNATIONAL, L'Amérique, « Etat voyou », Par NOAM CHOMSKY,
5 http://web.archive.org/web/20020202132723/http://www.transnationale.org/dossiers/institutions/commerce.htm
6 La banque à abattre, Le Monde Diplomatique, Septembre 1991, page 3, CLAIRMONT FRÉDÉRIC F.,
7 "Un pas de trop" sur la lune ! par Philippe Lheureux