Le premier tour
de magie,
le second tour
des illusions
Le Pen était présent au second tour de l'élection présidentielle française.
Et abracadabra !
Les différents partis politique qui se tiraient
dans les pattes sans vergogne depuis le début de l'année
se retrouvent presque tous à soutenir celui qui était l'objet
de leur mécontentement, les jeunes que l'on accusait d'être
à l'origine d'une grande partie de l'augmentation
de l'insécurité sont aujourd'hui donnés en
exemple dans la lutte pour le « respect »
de l"autre. On nous accuse de manquer de mémoire, mais on oublie
tout ce qui a mené à ce résultat et qui est pourtant
plus récent que l'épouvantail nazi que l'on ressort
chaque fois que l'on veut mettre fin à un débat.
Un coup de baguette magique électoral transforme
des dissensions et des vrais problèmes en une entente consensuelle,
que les français ont pourtant rejetée, et en une amnésie
par rapport à un nouveau projet de société, que les français
souhaitent. Les réflexes reptiliens d'une société
décadente disparaîtront le jour où ceux qui sont aux
responsabilités cesseront de faire la sourde oreille, et que les intellectuels
se mobiliseront pour un monde plus humain plutôt que de le faire pour
inciter à des choix par défaut.
Puis le second tour des illusions arriva. Et il est à
craindre pour la république, que tous ont cru défendre en adoptant
une position indigne à l'aune des principes qu'ils défendent,
que ce tour devienne celui des désillusions.
Une mémoire sélective
J'entends d'ici les clameurs de la rue qui se soulèvent
devant le raz de marée fascisant qui couvre de honte notre pays, un
pays d'intégration fondé sur des valeurs démocratique
et républicaine. Ceux qui le peuplent et qui le dirigent brandissent,
de concert avec les nations européennes qui partagent leurs convictions,
un «
NON » catégorique. Ils ne laissent
même pas planer le risque d'une quelconque compromission avec
«
ceux qui brandissent la menace de la rue, qui agitent les spectres
de la force brute, de l'irrationnel et du mépris1 ». Ils font «
barrage » au
chaînon extrémiste supplémentaire qui risque de venir
se greffer à un axe du mal européen déjà composé
de l'Autriche et de l'Italie.
Ce qui précède est représentatif de ce
que nous avons pu lire, entendre ou voir dans les médias depuis le
dimanche 21 avril 2002
2,date qui marqua l'arrivée au second tour de l'élection
présidentielle française de
Jacques
Chirac et de
Jean-Marie Le
Pen , et ce jusqu'au deuxième tour le 5 mai. J'aurai eu tendance
à penser que l'un des enseignements du 11 septembre aurait été
de nous apprendre à faire fi des passions pour juger objectivement
des évènements. Mais il s'avère, à la vue
des éditoriaux au vitriol et des mouvements de foules grossis par la
loupe médiatique, que l'on a la mémoire sélective,
tant au niveau de la morale, que de l'interprétation
des préceptes
démocratiques ou républicains. On se souvient plus aisément
des petites phrases de certains, mais moins de celles des autres. On tente
de convaincre l'électeur du caractère démagogique
d'un programme, mais l'on ne s'appesantie pas sur celui
de son adversaire car il s'inscrit dans un mouvement qui suit les rails
d'une mondialisation inéluctable pour nos gouvernants, mais que
l'on sait angoissante pour le peuple, et donc fragile.
Le chef de l'Etat sortant déclare que «
nous devons nous rassembler pour défendre notre bien commun, la démocratie,
dans le respect des convictions de chacun3 »,
mais en même temps il refuse le débat démocratique
d'entre-deux-tours, et il fait preuve de nihilisme face aux 16,86 %
des électeurs qui, pour lui, se fourvoient derrière un leader
adepte de «
l'extrémisme, du racisme, de
l'antisémitisme
et de la xénophobie ».
Jacques Chirac assure de son«
combat au nom
de la morale et d'une certaine idée de la France »,
mais personne ne lui rappel les nombreuses procédures judiciaires
liées au financement du
RPR et à l'Hôtel de Ville
de Paris qui convergent vers lui, au double de titre de président du
RPR (de 1976 à 1994) et de maire de Paris
4(1977-1995). Le député socialiste
Arnaud Montebourg fut un des personnages les plus médiatisés
parmi ceux qui voulaient traîner le président devant la justice.
Il se vit opposer une fin de non recevoir étant donné la position
au sommet de l'Etat du personnage incriminé. Le député
dénonçait à l'époque le «
pacte mutuel passé entre le premier et le cinquième personnage
de l'Etat (
Roland Dumas, président du
conseil constitutionnel) » qui «
prouve que la République est en train de pourrir par le haut5».Cet homme qui voulait «
supprimer l'élection
du président de la République au suffrage universel »
appelle aujourd'hui à voter Chirac...
Leçon de démocratie républicaine
On feint de croire que l'opinion exprimée
dans les cercles et dans les assemblées est l'opinion réelle.
Et toute la difficulté de notre politique, et de toute politique démocratique,
est de faire prévaloir l'opinion réelle. A quoi les prolétaires
nous aident beaucoup.
Malgré que Le Pen ait
été « diabolisé », comme il aime
à le rappeler, il se trouve être le deuxième homme de
cette élection. Jusqu'à maintenant il n'était
pas forcément de bon ton de voter pour le Menhir.
Ce dernier symbolise le racisme et le fascisme. D'un autre côté ces thèses,
ainsi que son mouvement, ont été encouragées, manipulées,
ou ont fait l'objet d'alliances depuis plus de trente ans par
les uns ou les autres, selon les époques et les situations politiques.
Ce sont les mêmes hommes, politiques et médiatiques, qui jouaient
avec les thèses frontistes qui s'étonnent et se dressent
devant un résultat que personne n'a vu venir. Ce sont encore
les mêmes qui tentent aujourd'hui de donner mauvaise conscience
à ceux qui se sont pris à un jeu qu'ils ont mis en place
par calcul politique.
Après avoir fait la campagne du borgne en traitant en
long et en large les différentes insécurités, les médias
se positionnent quasiment à l'unanimité contre lui. Cela
s'explique par le noyautage des rédactions par les
Franc-maçons7, ennemis jurés du Front, ou la mouvance gauchiste pour
les uns. Les autres surfent sur la vague démocratique et républicaine
qu'ils pensent voir se soulever à travers les déclarations
unanimes de la majorité des organisations politiques et syndicales,
et la mobilisation d'une partie de la population.
Pour les seconds, on hésite à attribuer ce relais
à une prise de position visant à défendre les valeurs
de la République, ou simplement à une occasion d'augmenter
le tirage des quotidiens
8 par la mise en relief de ce que l'homme a de meilleur.
Seulement si les médias se trompent aussi lourdement que ce sont trompés
les sondages au premier tour, c'est l'avenir d'un pays qu'ils
risquent de faire basculer. A trop vouloir retourner les opinions, ils transforment
un travail de réflexion et d'investigation, pour les plus honnêtes
et les plus indépendant d'entre eux, en une cabale organisée
contre le deuxième homme aux yeux des désabusés
de la politique. Et ce qui est valable pour la presse française l'est
aussi pour les journaux étrangers et les réactions qu'ils
peuvent provoquer dans leurs pays respectifs. Ne nous a t'on pas présenté
la finale
Chirac-Jospin comme incontournable ?
On remarque que les pensées forcées
ne sont jamais que des colères. C'est pourquoi chacun refuse
de changer à sommation. Toujours les persécutions ont confirmé
les religions.
Alain, 1er juillet1935.
La République se définit comme une forme d'organisation
politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l'exercent
en vertu d'un mandat conféré par le corps social. La démocratie
signifie quand à elle que le peuple exerce sa souveraineté lui
même, ou par des représentant élus. J'ai
déjà eu l'occasion de vous montrer que l'Europe, de la façon
dont elle a été construite, nous éloignait de ces principes
constitutionnels, bien que les représentants des partis non extrémistes
ne soient pas nombreux à dénoncer cet état de fait (voir
Les Lobbies en Europe). Dans ces domaines,
il est évident que les forces politiques qui se sont succédées
autant au niveau national qu'au niveau européen n'ont aucunes
leçons à donner, puisqu'il est de notoriété
publique pour qui se donne la peine de se tenir informé, que les réglementations
et la politique européenne ont été élaborées
sur la base de documents provenant de lobby industriels,
et non d'organisation citoyennes
9.
Il se fait dans le Monde un recrutement
de tous les talents contre la République. Ainsi l'électeur
est laissé à lui même, bien mieux, trahi, méprisé,
insulté par les plus instruits. Il doit le comprendre et quand on lui
dit que la République est contre la Nature, contre la Science, contre
la Raison, il ne doit point s'en étonner, mais plutôt
se demander : « Combien celui-là est-il payé,
pour m'amener à désespérer de moi-même ? ».
Alain, 15 décembre
1910.
Les sondeurs voyaient
Jean-Marie Le Pen à 8 %
10,
et ce sont les coefficients de correction qui l'ont
hissé jusqu'à la troisième place à la veille
du premier tour. Cela signifie qu'une partie de la population n'osait
pas avouer, jusqu'à maintenant, ses accointances pour
les idées du
Front National. Ce premier résultat électoral a
fait sauter un verrou.
D'un autre côté, un mouvement populaire est né
spontanément chez les étudiants et les lycéens où,
dés lundi, ils étaient au nombre de 30 000
dans les rues de France. Ils se sont regroupé derrière des mots d'ordre plus
ou moins radicaux comme celui entonné à Lyon : «
Le Pen,
t'es foutu, les jeunes sont dans les rues11 ».
Mais si Le Pen a fait un score lui permettant de figurer
au second tour, c'est aussi peut-être parce que une partie de
la population trouve que les jeunes y sont un peu trop, dans les rues, et
pour y faire tout et n'importe quoi. Il suffit, pour s'en convaincre
de jeter un œil sur les chiffres de la délinquance.
Le nombre des moins de 18 ans mis en cause dans la délinquance a augmenté
de 80 % en dix ans, la part de ceux âgés de moins de 13 ans ne
cessant de croître. Plus d'un tiers des faits de délinquance
recensés sur la voie publique sont ainsi
attribuables aujourd'hui à des enfants ou à des adolescents
12.
Pendant la campagne certains hebdomadaires n'hésitaient
pas à signaler en couverture des dossiers dénonçant la
violence à l'école
13,
cultivant ainsi la peur de l'électeur face à
l'insécurité. Mais les médias se ravisent en louant
aujourd'hui ceux qu'ils avaient mis en cause hier. La peur a changé
de camp et du même coup le discours s'est gauchisé de
nouveau.
Les sites Internet d'opposition à Chirac reprennent quasiment
tous le «
NON » de
Libération et nous dirigent vers les pages du parti socialiste, les manifestations sont
récupérées par des organisations ancrées
à gauche, les mouvements revendicateurs pour le droit au logement ou pour la
régularisation des sans papiers viennent se greffer à cette
mobilisation. Nous faisons ainsi face à une immense confusion entre
un mal qui devient bien, et la sédition des banlieues qui se transforme
soudainement en un soulèvement antifasciste et humaniste.
En gros, ce sont tous ceux qui ont subi une défaite cuisante
qui occupe la Une des journaux. Cette campagne déguisée derrière
des évènements d'actualité ne sera pas prise en
compte dans le calcul des temps d'antenne du CSA (Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel) qui est pourtant chargé
de veiller à l'égalité des temps de parole des
deux candidats et de leurs soutiens. Alors soit nous sommes dans un pays démocratique
et nous respectons les règles en vigueur, soit nous nous rabaissons
au niveau de celui que l'on dénonce, et on emploie des moyens
dignes du régime qu'on l'accuse de vouloir instaurer. Ceux
qui se veulent les défenseurs des valeurs républicaines n'ont
aucune gloire à tirer de l'utilisation d'un parti et de
ses idées extrémistes. C'est pourtant ce qui se passe,
dans le but de tester certaines positions idéologiques sur l'opinion,
et surtout pour faire office d'exutoire.
En effet, Le Pen et le Front National ont l'avantage pour
les partis « bon chic, bon genre » de
canaliser les frustrations. Leurs électeurs sont autant de révolutionnaires
potentiels qui se transforment en militants ou en sympathisants. Le maintient
de l'ordre est garantis par le maintien d'un faux espoir, et ce
même si les solutions pour satisfaire à cet espoir sont discutables.
Au lieu de déboucher sur une alternative, le mouvement considéré
comme extrémiste devient salutaire pour le bon fonctionnement des institutions
tant qu'il ne dépasse pas un certain niveau. Au-delà,
il est stigmatisé, car d'utile, il passe à dangereux pour
un système qu'inconsciemment il protège. Ceux qui le soutenaient
passent d'un faux espoir à une mauvaise conscience, mais le déficit,
qu'il soit matériel ou idéologique, subsiste.
Si dans les pays totalitaires les élections se font grâce
au bourragedes urnes, dans les
faux pays démocratiques,elles se font par le bourrage des crânes. (voir
Le Bohemian Club)
L'envoûtement libéral
Si l'insécurité a fait la une des médias
avant le premier tour,c'est certes en partie parce qu'il existe
un problème réel, mais c'est aussi parce que la marge
de manœuvre des politiciens nationaux ne leur permet que de traiter
des problèmes en aval. L'amont est verrouillé par les
réglementations européennes et les traités internationaux.
Les hommes et les femmes politiques, qui n'appartiennent pas à des mouvements
qualifiés d'extrémistes, adoptent des positions de principe
en prônant une «
mondialisation plus humaine14 », mais ne peuvent faire que des raccommodages sur un modèle
de société décadent. Le peuple attend des programmes
politiques autre chose qu'un système basé sur une «
compétitivité » qui engendre des «
accidents15 », comme nous l'ont montré les mouvements anti-mondialisation
de ces dernières années. L'individualisme sous jacent
du modèle libéral qui s'appui sur la compétition
16 se retrouve dans la société où certains
le reproduisent inconsciemment. Alors soit on est le vainqueur de la compétition
et tout va bien, soit on est, ou l'on estime être le perdant.
Dans le premier cas on se retrouve sur le bord de la route, dans le second
on se laisse piéger par la corruption, la magouille, le vol, voir l'agression
(voir
Global Killer).
Le besoin de compétitivité exigé par des
entreprises au bord de l'asphyxie us égard aux charges aux quelles
elles sont soumises, vis à vis des pays où les avantages sociaux
sont quasiment inexistant, contraint l'Etat à réduire
ses budgets. L'Etat est
alors de moins en moins présent dans la société. Il
laisse la place aux associations
17 qu'il encourage, car il sait que tout le travail bénévole
qu'elles fournissent est autant d'économie réalisé
à son avantage. Mais il serait déplacé d'attribuer
à l'association, bien qu'elle représente le dernier
rempart contre l'individualisme et qu'elle ait généralement
les meilleures intentions du monde, le rôle des services publics. Les
actions sociales, l'éducation,le développement local,
le logement, l'aide à l'emploi et la santé sont
quelques unes des activités du tissu associatif. Malgré la
présence en constante augmentation des associations, celles-ci font
face à «
des problèmes de légitimité
pour inscrire leur action dans les quartiers18 ». Et il n'en reste pas moins que malgré leur multiplication,
les problèmes liés aux thèmes évoqués ci-dessus
sont au cœur des préoccupations des français. Cela prouve,
quoi que l'on en dise, que le démantèlement des structures
de service public est préjudiciable au bon fonctionnement de la société.
Il semble que la globalisation ait la capacité de charmer
la plupart des nations. Le
FMI se chargeant de convaincre les plus
réticentes à coup de prêts conditionné par des
ajustements structurels qui déstructurent les économies régionales.
La qualification surprenante de
Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle aura peut-être
pour mérite de rompre cet enchantement magique qui a convaincu majorité
et opposition que le libéralisme plus ou moins réglementé,
car assujetti à des lois inspirées des lobbys (voir
Les Lobbies en Europe), était la voie la plus raisonnable, malgré
les «
accidents ». C'est un réveil
préventif, à une période de notre histoire où
il est encore possible de faire quelque chose. Si rien n'est fait, il
se peut que dans quelques années nous faisions face à un réveil
plus douloureux que celui auquel est confronté actuellement l'Argentine,
terre d'accueil qui a privilégiée les lois du marché
face à celle du code civil et du code pénal, la finance par
rapport aux services publics
19.
On a crucifié l'Argentine sur une croix de dollars.
Cesar Fernandez, poète argentin.
Les instincts reptiliens
Les adeptes de la mondialisation humanisée nous proposent
une conception manichéenne du monde qui se définit sur un plan
économique et un plan humain.
Cette conception veut à la fois que sur le plan économique
nous soyons en compétition pour donner le meilleur de nous même
sans nous soucier des conséquences pour les perdants. En même
temps, sur le plan humain, elle a pour objectif que nous conservions un esprit
de solidarité avec ceux qui étaient nos rivaux dans le plan
précédent.
A mes yeux, cette dichotomie comportementale n'est possible que dans
une occupation sportive ou récréative, dans le sens où
sa durée, sa spécificité et son enjeu sont limités,
à condition que l'on ne fasse pas de cette activité sa
profession. Seulement lorsqu'une telle pratique est mise en situation
à l'échelle d'une planète et qu'elle
conditionne la vie de milliards d'individus sur des périodes de
temps qui peuvent se compter en générations, et qu'en plus de ça,
les perdants sont plus nombreux que les gagnants, alors les instincts reptiliens
refont surface
20.
C'est donc l'instinct de conservation qui prend
le pas sur l'esprit de solidarité par simple réflexe de
survie. Par exemple, l'homme se sentira menacé chez lui de par
l'insécurité urbaine, qu'elle soit réelle
dans certaines régions ou amplifiée médiatiquement dans
d'autre, et il se sentira menacé à son travail de par
le stress engendré par la productivité que l'on exige
de lui et par le réservoir de remplaçants potentiel que constitue
les chômeurs. Il appliquera alors aux solutions qui lui sont proposées
les schémas de comportement qu'on lui a inculqué pour
devenir «
compétitif ». Dans un
réflexe de protection, ses instincts prendront le pas sur ses sentiments,
et il n'aura pour but que d'éliminer les concurrents qu'il
estimera être hors du jeu de la compétition, pour des raisons
fallacieuses d'un point de vue humain, mais qui lui paraîtront
justifiées car il s'appuiera sur des critères primitifs
qui ont construit la société. Ces critères sont nés,
dans les premières cités, de plusieurs peurs : la peur
de la nuit, la peur des étrangers venant de contrées lointaines
et dont on avait du mal à cerner les objectifs, la peur des animaux
sauvages.
Les peurs ont changé, mais le réflexe militaire qu'elles
ont engendré demeure. Le discours populiste, construit sur la menace
des immigrés qui «
vont nous ruiner, nous envahir,
nous submerger, coucher avec nos femmes et nos fils21 » d'après
Le Pen , à celle du «
sauvageon » de
Chevènement, en passant le «
bruit et l'odeur22 » des étrangers dénoncé par
Chirac, ce discours n'aura pour effet que d'attiser
ces peurs. Cette inclinaison n'a pas échappée au quotidien
italien "
La Repubblica " qui titra en son temps : «
Vague de xénophobie, Giscard d'Estaing et Chirac débordent
Le Pen à droite : en France, on recherche les votes racistes23.
»
L'athlète économique ainsi formé (ou
déformé) par l'individualisme intrinsèque à
l'idée de compétition reportera la résurgence de
ses instincts protectionnistes, à l'échelle de la nation,
sur le plan social. La rivalité déborde sur des terrains où
la raison voudrait qu'elle n'apparaisse pas. Malgré l'orientation
libérale, le protectionnisme est employé à plus ou moins
grande échelle dans des domaines différents selon les pays.
Des nations qui ont souffert et souffre encore de l'intolérance
se laissent aller à des déclarations aberrantes par rapport
à la réalité des faits et à une peur instrumentalisée.
Par exemple, le ministre de l'Intérieur israélien,
Elie Ishaï, exhorte les «
Juifs de France
à faire leur valise et à immigrer en Israël »,
comme si ce pays pouvait garantir leur sécurité…
D'un autre côté on peut mettre en balance la réaction
du chef du parti d'opposition israélien,
Meretz (gauche),
YossiSarid, qui «
ne
sait pas pourquoi les Israéliens sont si perturbés par la montée
d'un fasciste nationaliste d'extrême droite en France, alors
qu'ils ne le sont pas quand cela arrive dans notre pays24 ».
Sur le plan économique, l'administration Bush, qui se veut un modèle
de libéralisme,n'a pas hésité a imposer des droits
de douane sur les importations d'acier afin de protéger un secteur
sidérurgique marqué par une trentaine de faillites depuis 1997.
On constate qu'il est toujours plus aisé de critiquer
le protectionnisme du voisin quand il nous gène, que le notre quand
il nous sert.
Il va sans dire
que le monde doit changer, que la mondialisation doit être humanisée,
sans que l'humanisme soit un prétexte pour asseoir le pouvoir
de société plus ou moins secrète (voir
Bilderberg), que les richesses doivent être mieux réparties,
que l'on doit pouvoir travailler pour vivre, et non vivre pour travailler.
Mais ce ne sont pas quelques référendums nationaux qui vont
changer la face du monde. Les actions politiques doivent être courageusement
menées de concert avec un ensemble de pays pour avoir une chance de
faire plier les plus réticents,qui souvent se trouvent être
les plus puissant. Sinon, toute mesure, aussi louable qu'elle soit,
ne conduira notre pays qu'à l'isolement et à la
famine, à l'image de l'Irak.
L'homme se doit de mettre
au placard ses instincts reptiliens qui le font se dresser contre l'envahisseur,
mais aussi qui le font se mobiliser seulement lorsqu'il pressent une
menace présentée comme extrême. Le peuple aurait eu plus
de mérite à manifester son mécontentement à l'époque
où le président, élu sur un programme visant à
résorber la « fracture sociale »,
perdit toute marge de manœuvre et toute légitimité en
provoquant la dissolution de l'assemblée. Il aurait été
tout à son honneur de battre le pavé pour encourager la justice
à faire son travail en temps voulu, et peut-être éviter
ainsi qu'elle ne soit entravée par une intervention constitutionnelle
bienvenue pour l'intéressé. Au lieu de cela, une partie
du peuple, encouragée par tous les médias, a choisi de se soulever
aujourd'hui, devant un résultat sorti des urnes, incitant la
majorité de la classe politique à marcher en rang serré
vers un pays ingouvernable, car on peut aisément prévoir que
le programme de Chirac, avec 19,88 %
des voix au premier tour, n'aura ni légitimité, ni majorité
à l'assemblée. L'union de principe temporaire n'apportera
aucune réponse aux inquiétudes des français, car c'est
une union contre, et non pas pour un projet. Cette union de barrage ne sera
en fait qu'une fragile digue qui volera en éclat à la
prochaine tempête populaire, ne faisant ainsi que retarder l'échéance
de l'arrivée au pouvoir des partis extrémistes.
Conclusion
Nous sommes confrontés à un résultat qui nous montre
d'abord que le français n'est pas doté de beaucoup
de mémoire, puisqu'il accorde la majorité de ses voix
à quelqu'un qui ne respecte pas ses promesses et qui ignore
la justice de son pays. De plus, il ne fait pas preuve de beaucoup de réflexion
puisqu'il fait confiance en second lieu à quelqu'un qui
prend le risque de s'isoler en oubliant
que les états mitoyens ou lointains ne sont pas paraplégiques,
et que des mesures de rétorsions sont toujours possibles. Enfin, plus
globalement, ces choix témoignent de la dichotomie décrite plus
haut, et ils se reflètent dans cette période de transition que
traverse la société. Notre désir de compétition
individualiste est assouvi par le défi protectionniste de l'un.
Parallèlement, notre espérance de solidarité est rassurée
par l'aspect humain de l'autre, dont le beau rôle qu'on
lui attribue fait oublier son inclinaison libérale. Cette bipolarisation
entre en résonance dans ce deuxième tour. On souhaite un changement,
mais en même temps on se calle dans un sillage rassurant, même
si on a aucune idée de quoi sera fait l'avenir, puisque comme
il le dit lui même : «
Les promesses n'engagent que
ceux qui les reçoivent25. »
________________________
Sources :
1 « Jacques Chirac adopte un discours intransigeant face
à Jean-Marie Le Pen »,
Associated Press, 23 avril 2002.
2 (2+1)+4+(2+0+0+2) = 11… !
3 « Jacques Chirac adopte un discours intransigeant face
à Jean-Marie Le Pen »,
Associated Press, 23 avril 2002.
4 « Les six dossiers qui convergent vers M. Chirac »,
Le Monde, 29 mars 2001.
5 « Montebourg le subversif »,
Sud-Ouest Dimanche, 25
février 2001.
6 « Propos sur les pouvoirs », Alain, Editions Gallimard,
2000.
7 « Une télé de maçon »,
L'Express,
21 janvier 1999 -
http://web.archive.org/web/20060307152539/http://www.chez.com/hiram/presse/1999-01-21-express.htm
8 Au lendemain du premier tour
Libération a
battu son record depuis sa création en 1981 avec 700 000 exemplaires,
Le Figaro a vu ses ventes progresser de 170 %, et
La Croix les a doublés (Source :
Le Journal du Dimanche, 5 mai 2002).
9
Europe Inc., Liaisons dangereuses entre institutions et milieux d'affaires européens, collectif d'auteur, Agone Editeurs.
10 Europe 1 info, lundi 22 avril 2002.
11 « 30 000 lycéens et étudiants dans
la rue »,
Libération, mardi 23 avril 2002.
12 « Les vrais chiffres de la délinquance »,
Marianne,
n° 260, 15 au 21 avril 2002.
13 « 12 propositions pour en finir avec la violence à
l'école »,
L'Express, n° 2646, 21 au 27 mars
2002.
14 « Agir pour une mondialisation plus humaine
et plus respectueuse de l'environnement », point n° 9 des
10 engagements de Jacques Chirac pour la France, 3 avril 2002.
15 Jacques Chirac, France 2, mercredi 24 avril 2002.
16 Compétition : recherche simultanée par plusieurs
personnes d'un même poste, d'un même avantage.
17 Les associations sont au nombre de 700 000, et les
chiffres de création annuelle sont en constante progression –
10 000 en 1937, 40 000 en 1992, 70 000 en 2000.
18 Christophe Leroux, chargé de mission au Comité
national de liaison des régies de quartier (CNLRQ).
Alternatives
Economiques, n°193, juin 2001.
19 Paris Match, n°2745, 3 janvier 2002.
20 L'évolution vers le cerveau humain s'est
fait en prenant appui sur le développement du cerveau mammalien
(où l'on retrouve le « siège des émotions
» et les sentiments d'affection) dont la structuration s'est
faite sur la base primordiale du cerveau reptilien. Le cerveau reptilien
est responsable des instincts et des réflexes innés. Il
abrite le comportement d'approche et la satisfaction des nécessités
biologiques : manger, boire, dormir, reproduire l'espèce.
Il a aussi pour fonction de nous faire adopter un comportement de fuite
et de lutte suite à un stimulus adverse. Il peut se manifester
par une agressivité défensive, la seule agressivité
innée.
Transformation sociale et transformation culturelle, "La manipulation de l'accouchement/naissance", contribution de la collectivité
Los Arenalejos au colloque international sur la culture
libertaire organisé en 1996 par l'A.C.L. de Lyon - http://web.archive.org/web/19991003185737/http://users.skynet.be/AL/archive/98/210-oct/arena2.htm
21 « Le deuxième homme », par Christelle Bertrand,
Libération, lundi 22 avril 2002.
22 Déclaration faite par Jacques Chirac au cours d'un
banquet le 19 juin 1991 :
« Notre problème, ce n'est pas les étrangers,
c'est qu'il y a overdose. C'est peut-être vrai qu'il n'y a pas plus
d'étrangers qu'avant la guerre, mais ce n'est pas les mêmes
et ça fait une différence. Il est certain que d'avoir des
Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça
pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs.
(…)
Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille
avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15000 francs, et qui voit
sur le palier à côté de son HLM, entassée,
une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses,
et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50000 francs de prestations sociales,
sans naturellement travailler... si vous ajoutez le bruit et l'odeur,
hé bien le travailleur français sur le palier devient fou.
Et ce n'est pas être raciste que de dire cela. »
http://fr.wikiquote.org/wiki/Jacques_Chirac
23 La Repubblica
, 24 septembre 1991.
24 « Israël dénonce l'antisémitisme »
, Aujourd'hui en France, mardi 23 avril 2002.
25 Jacques Chirac, extrait du journal Le Monde - 22 Février
1988.